Ecrit le 2 mars 2011
Les insurgés de Cayenne
Exposition à Nantes jusqu’au 26 juin : En mars 1931, à l’apogée du colonialisme français, la cour d’assises de Loire-Inférieure ouvre le procès de l’affaire Galmot, délocalisé en métropole « pour cause de sûreté publique ». Quatorze Guyanais sont accusés de crimes et de pillages commis à Cayenne en 1928 après la mort suspecte de Jean Galmot, ancien député de Guyane, porteur des espoirs de la population de ce territoire lointain. Les quatorze accusés du Nouveau Monde vont être jugés par douze jurés du Vieux Monde. Ils sont défendus notamment par Gaston Monnerville et par l’avocat Alexandre Fourny (originaire d’Issé).
Au long du procès, un basculement s’opère : les Guyanais deviennent peu à peu des citoyens à qui on a volé leurs droits de citoyens. Ils seront acquittés et reçoivent des marques de soutien avant de repartir pour Cayenne, depuis Saint-Nazaire, le 9 avril.
Entrée libre et gratuite . Renseignements : 02 51 72 98 97
L’Histoire a la mémoire courte
L’Histoire a la mémoire courte ou en tout cas sélective : le procès des insurgés de Cayenne, pourtant premier procès du système colonial français est tombé dans un anonymat étonnant. Les Archives départementales vont réparer cette erreur avec une exposition complète sur cette affaire. Plus d’une centaine de pièces d’archives, des photographies, des correspondances des prisonniers, des vidéos, des objets évocateurs des mondes carcéral et judiciaire permettront au public de suivre le déroulement de cette histoire. Du 9 février au 26 juin, elle se tiendra aux Archives, rue Bouillé à Nantes.
Cayenne se révolte
Les années 1920. La Guyane, cendrillon des colonies est exploitée économiquement et totalement déconsidérée. Le bagne, le rhum, la jungle, l’or, le « bon sauvage noir » sont le seuls clichés coloniaux qui traversent l’Atlantique. La France métropolitaine ferme les yeux sur un système de fraude électorale massif, organisé localement par une caste de notables et d’hommes politiques malhonnêtes. Le droit de vote des citoyens guyanais est ouvertement bafoué, notamment aux élections législatives de 1924 et 1928.
En août 1928, Jean Galmot, le représentant de l’opposition, un aventurier et homme d’affaires qui a promis de « libérer la Guyane », meurt. La rumeur (probablement infondée) se répand : il a été empoisonné. Pendant deux jours, Cayenne, étouffée par des années de frustration, s’embrase. Six hommes, considérés comme des responsables de la fraude ou des opposants à Galmot sont assassinés par une foule en colère. Puis la ville s’apaise.
Acquittés !
L’enquête sur place piétine, incapable de briser la loi du silence pour trouver les coupables. La Cour de cassation décide de « dépayser » l’enquête et le procès, choisissant le tribunal de Nantes. L’instruction finit par cibler 12 hommes et deux femmes qui seront jugés par la cour d’assises de Loire-Inféreure à Nantes en mars 1931, accusés de crimes et de pillages en bande.
Ce procès de droit commun se transforme rapidement en procès politique, sous l’impulsion des avocats comme le Nantais Alexandre Fourny ou Gaston Monnerville, originaire de Guyane. Ce ne sont plus 14 inculpés que l’on juge, mais bien le droit de se révolter contre un système injuste. La plaidoirie de Gaston Monnerville fait complètement basculer le jury : il démontre la fraude électorale et revendique au nom de la mémoire de la traite négrière et du passé nantais, une « dette mémorielle » pour les accusés. Ils seront tous acquittés et retourneront pour la plupart en Guyane, accueillis en héros. Gaston Monnerville y sera élu député en 1932 avant de devenir le premier président noir du sénat.
Le retentissement de cette affaire est très important au moment du procès. Puis, quelques mois plus tard se tient la grande exposition coloniale à Vincennes. Tout est « oublié », tout est « réparé », les « bienfaits de la colonisation » et « la grandeur de la France » reprennent le pas sur ses injustices. L’affaire des insurgés de Cayenne disparaît peu à peu, se perdant dans la seule mémoire de quelques historiens et de Guyanais reconnaissants. 80 ans après, il est temps qu’elle renaisse, grâce aux Archives départementales.
Entrée libre et gratuite
- lundi, mercredi, jeudi et vendredi de 9 h à 17 h
- mardi de 13 h 30 à 19 h (17 h en période de vacances scolaires)
- dimanche de 14 h à 17 h 30
Fermeture : samedis et jours fériés.
Visite commentée pour les visiteurs individuels : le mercredi à 14h30 et le dimanche à 14h30 et 16h.
Visite commentée pour les groupes, adultes et scolaires, sur rendez-vous auprès de Martine Roucheux :
tél. 02 51 72 98 97
Courriel : martine.roucheux@loire-atlantique.fr
et http://www.youtube.com/watch?v=qoEnSwkUeX4
Documentaire télévision : http://www.france5.fr/et-vous/France-5-et-vous/Les-programmes/Archives/LE-MAG-N-12-2010/articles/p-5665-Les-Insurges-de-CayenneLe-Premier-Proces-colonial-.htm