Ecrit le 19 octobre 2011
J’ai la désagréable impression que la plupart des candidats [aux présidentielles, ndlr] en veulent à nos suffrages sans jamais oser parler du seul sujet qui fâche parce que c’est celui autour duquel tourne l’avenir de nos sociétés : le rôle des banques et la dette des Etats.
Pieds et poings liés
1) Quand on évoque les diverses politiques censées résoudre notre avenir, on se heurte toujours au nerf de la guerre : le financement des projets, les plus généreux paraissant de ce fait irréalistes. Or, à quelle limite se cognent les meilleures intentions ? A la dette des Etats. Pourquoi sont-ils si endettés ? Tout simplement parce que depuis 1973, les Etats se sont livrés pieds et poings liés aux banques privées (leur asservissement se constate aujourd’hui de façon criante : nous les engraissons à fonds perdus sans leur demander la moindre contrepartie, alors même que ces banques et « les marchés » imposent des exigences de plus en plus délirantes aux Etats avant de leur prêter le premier centime !).
2) Or, qui inspire le plus de confiance aux marchés ? Les banques ou les Etats ? Les Etats, car ce sont eux qui, au final, ont les moyens de voler au secours de banques, une fois qu’elles ont pris impunément les risques les plus inconsidérés, justement parce qu’elles savent depuis toujours qu’elles pourront faire leur chantage à la faillite devant les contribuables qu’elles saignent à blanc : et qui rempliront leurs coffres, assidument et encore et toujours, pour régler aux banquiers leurs faramineux bonus. Il revient donc aux Etats (banques centrales publiques) de fournir dès le début le crédit ; sans passer par la case banques privées, qui depuis si longtemps font la preuve retentissante de leur criminelle impéritie (combien de gens ont-elles physiquement tués après les avoir ruinés et/ou jetés au chômage pour grossir les cohortes de SDF ?).
régler la masse monétaire
3) Il est donc urgent que les prochains gouvernements commencent par reprendre leur principale fonction régalienne : régler la taille de la masse monétaire en proportion de la situation de l’économie réelle, au lieu de laisser les escrocs en col blanc générer artificiellement des trillions de dollars à grands coups de produits dérivés, c’est-Ã -dire déconnectés de toute production de biens et services réels (Par contre, cet argent est dépensé pour acheter des yachts et palaces bien réels, et comme il a été inventé en quelques coups de téléphones et en tapant des chiffres faramineux sur des claviers d’ordinateur, on s’aperçoit qu’il ne correspond à rien et qu’il faut bien : maintenant que la confiance s’est envolée avec lui et que la partie de chaises musicale s’est arrêtée : lui donner réalité en ponctionnant les contribuables de tous pays, qu’on accuse de s’être livrés à une débauche de dépenses sociales, donc condamnables : c’est ainsi que les peuples sont sommés de rembourser en se serrant la ceinture les extravagances des traders !
Libérer les Etats
Tout le reste n’est que littérature. Le premier pas vers la raison c’est de libérer les Etats : incarnation des peuples producteurs de la richesse mondiale : de dettes qu’ils ne peuvent mathématiquement pas rembourser : il leur faut déjà emprunter pour payer les intérêts sur les intérêts des intérêts avant de commencer à rendre le capital.
Le plus « drôle » c’est que si les dettes étaient réglées, il n’y aurait plus d’argent en circulation : actuellement, ce sont les promesses de payer (les dettes contractées par particuliers, entreprises et états auprès des banques privées) qui constituent l’argent dont on dispose, car la masse monétaire c’est à 95% de la dette, et donc la dette c’est l’argent.
Ces idées exigent un peu de réflexion et ne sont pas très sexy à présenter, alors qu’il est si facile de faire peur aux électeurs en les menaçant du « monstre de l’inflation », et ainsi justifier les sacrifices les plus délirants de la part de toujours les mêmes masses laborieuses.
Heureusement, la prise de conscience des « Indignés » et des acteurs des Printemps arabes font entrevoir le surgissement du Printemps des pays développés car, même aux Etats-Unis, incarnation de l’ultralibéralisme anglo-saxon, les non-sécialistes prennent leur avenir en main : le retour du politique pour réguler le cheval fou d’une économie financiarisée qui s’est emballée.
article de Dominique Macabies,
Professeur d’anglais en Sciences Economique, Université de Grenoble
Quelques vidéos pour prolonger le débat :
La vidéo « l’argent dette » de l’économiste canadien Paul Grignon
La BCE (Emission sur France-Inter, « LÃ -bas si j’y suis »
Parefeu (Firewall) par l’économiste américain LaRouche
Les Maîtres de l’argent (The Money Masters) en anglais
L’encerclement, documentaire par divers économistes français et étrangers
et Comprendre la dette publique
De quoi occuper vos longues soirées d’oisiveté ou de chômage forcé !
Ecrit le 19 octobre 2011
Le bar d’Heidi ou L’argent dette
Heidi est propriétaire d’un bar. Afin d’augmenter les ventes, elle décide d’autoriser ses clients fidèles à boire maintenant, mais payer plus tard. Elle garde la trace des boissons consommées sur un livre (ce qui revient à accorder des crédits à ses clients). En conséquence un nombre croissant de clients vient consommer dans son bar.
Peu à peu, Heidi augmente ses prix pour le vin et la bière, les boissons les plus consommées. Son chiffre de vente augmente massivement.
Un conseiller clientèle jeune et dynamique de la banque locale reconnaît ces créances clients comme de précieux actifs futurs et augmente la limite d’emprunt de Heidi. Il ne voit aucune raison de s’inquiéter indûment puisque cet emprunt est gagé sur les dettes des clients.
Au siège de la banque, des experts financiers transforment ces actifs clients en Drinkbonds, voire en Pukebonds. Ces titres sont ensuite échangés sur les marchés du monde entier. Personne ne comprend vraiment ce que ces abréviations signifient et comment les titres sont garantis (1). néanmoins, comme leur valeur grimpe en permanence, les titres sont très recherchés.
Un jour, l’un des gestionnaires de la banque (qui sera par la suite congédié, bien sûr, à cause de sa négativité) décide que le temps est venu d’exiger le paiement des dettes encourues par les buveurs au bar de Heidi. Mais ceux-ci ne peuvent pas rembourser les dettes. Heidi ne peut pas honorer ses emprunts et est mise en liquidation.
Tout le monde essaie alors de se débarrasser des DRINKBOND dont la valeur a chuté de 95%. PUKEBOND fonctionne mieux, les valeurs se stabilisant après avoir chuté de 80%.
Les fournisseurs du bar de Heidi, ayant investi dans les Drinkbonds sont confrontés à une situation nouvelle. Le fournisseur de vin est acculé à la faillite, le fournisseur de bière est repris par un concurrent.
La banque est sauvée par le gouvernement après de dramatiques consultations des dirigeants des partis au pouvoir Les fonds nécessaires sont obtenus par une taxe prélevée sur les buveurs
Le casse du siècle
A lire dans « Manière de voir » n°119 d’octobre-novembre 2011, les analyses sur « Le casse du siècle »
(vente en librairies)