Ecrit le 17 juin 2015
« C’est l’histoire d’un mec qui avait son téléphone portable allumé en permanence ». Ainsi parle Guy Birenbaum, auteur, journaliste, chroniqueur radio à Europe 1 d’abord et maintenant à France Info.
« Je me levais à 4h30 du matin et je consultais mes messages avant même de faire pipi, puis je me mettais à l’ordinateur pour peaufiner la chronique que je donnerais à Europe 1. Puis douche, avec le téléphone dans la salle de bains, encore l’ordinateur, partir pour la radio, donner la chronique vers 7h, revenir à la maison, accompagner mes filles à l’école avec une oreillette dans l’oreille gauche et le téléphone dans la main droite. J’écoutais mes filles ? Oui oui Revenir à la maison, écrire une chronique pour un journal électronique, attendre les premiers commentaires. Puis faire une course à pieds de 7 km. Revenir à la maison, regarder les commentaires, préparer la chronique du lendemain, sauter dans la voiture pour assurer l’émission du soir à la radio, manger en regardant l’écran. Minuit. Dormir ».
Tout cela c’était trop. Des nuits trempées de sueur, mal au dos et au ventre, palpitations, examens médicaux. « Rien, aucune maladie et pourtant je n’allais pas bien. J’ai eu la chance de trouver un médecin généraliste qui m’a mis en arrêt de travail. Et un psychanalyste qui m’a aidé à voir les choses en face, à comprendre que le trop de travail, le trop de sport, n’étaient pas la cause de mon mal-être, qu’ils cachaient autre chose, qu’ils masquaient un type, moi, qui avais peur, qui ne savais pas qu’il avait peur, qui ne savais pas de quoi il avait peur ».
Retour sur le passé, le passé de sa mère, Juive, échappant à la Rafle du Vel d’Hiv en juillet 1942, cachée par des Justes, avec sa famille, à sept-huit ou neuf dans une chambre de bonne de 6 m2, et dans le plus grand silence, pendant deux ans. Son père, Juif aussi, échappant à la Rafle et s’engageant dès le lendemain dans la Résistance, imprimant et distribuant des tracts à la volée aux stations de métro. Les deux jeunes, qui n’étaient pas encore les parents de Guy Birenbaum, avaient 16-17 ans, ils se sont connus plus tard. « Et m’ont prénommé Guy comme le pseudo de mon père dans la période de guerre ».
« J’étais héritier de cette histoire. Personne autour de moi ne m’a traité de juif à l’école ou au travail. Mais, maintenant, par l’intermédiaire des ’’réseaux sociaux’’ je me faisais insulter : le juif Birenbaum, le youpin. Gros con de juif. » J’ai fini par m’habituer à la bêtise. Du moins je le croyais. J’ai eu tort de croire que cette saloperie ne m’atteignait pas « » Et un matin, je n’ai pas pu me lever, j’avais peur, de tout. Une amie chère passe à la maison, je l’entends qui sonne, je reste étendu sur mon lit à l’étage, je ne descends pas la voir. J’entends la conversation avec mon épouse. Des-cendre L’idée même me panique « Le livre de Guy Birenbaum raconte cette longue descente aux enfers. » pour que la lectrice inconnue, pour que le lecteur perdu au fond de sa nuit, sache que ’’ça’’ arrive « et qu’un jour, pourtant ’’ça’’ va mieux, pas moins mal, mieux. » Le moteur redémarre, il toussote à l’occasion, mais il ronronne à nouveau. Il faut le bon psy, des médicaments, de l’amour, de l’amitié aussi ".
Guy Birenbaum a offert ce témoignage très fort lors d’une réunion du Conseil de développement à Nantes, le 28 mai 2015.
« Aujourd’hui j’ai retrouvé le goût des autres, celui des projets, l’envie. Et surtout une juste distance. Je suis le même en différent. J’espère que je suis un peu meilleur ».
Hyperconnecté
Guy Birenbaum analyse alors ce qui s’est passé, l’histoire de ses parents qui le hantait, ses séances quotidiennes de violence à lui-même (trop de travail, trop de course à pied sans préparation) et surtout, pense-t-il, son hyperconnexion. « Branché en permanence sur le Web, j’ai absorbé comme une éponge l’antisémitisme et la violence de l’époque ». « Chaque soir, les téléspectateurs crevés voire déprimés après une journée de boulot, peuvent voir les forces de l’ordre intervenir dans toutes les villes de France ou sur nos routes pour traquer des délinquants. Je ne sais pas si quelqu’un, quelque part, tient une comptabilité précise de ces pompes à anxiété sociale et politique. Je reste scotché devant tant de brutalité, de violence voire de drames. Si j’avais la force ou l’envie d’écrire quelque chose, je ferais le compte et j’expliquerais le danger de ces émissions, les pathologies qu’elles doivent déclencher, psychologiques et politiques »
Dans ce bain de violence véhiculé par le Web, la télévision et autres médias, Guy Birenbaum a payé le prix fort. Il en est sorti.
" Alors maintenant, au vu de mon expérience, je vous dis :
1 - coupez toutes les notifications de vos smartphones. Éteignez le téléphone la nuit, ne dormez pas avec le téléphone sous l’oreiller. Vous attendez un message important ? Combien de messages importants avez-vous par jour ? Est-ce que cela vaut le coup de vous mettre en servitude ?
2 - j’ai un chiot, tous les jours il me promène, je laisse mes lunettes et mon téléphone à la maison. Une heure de pleine nature
3 - je me suis détaché des buzz et des clics, je sais le danger de l’information en continu, je me méfie de l’instantanéité « . » Ne croyez pas que je suis déconnecté ! Mais j’ai repris la maîtrise de mon temps. Je suis pour internet, qui est un outil formidable, je dis, vive internet, mais attention, tous ces flux d’information sont plus forts que nous. Il ne faut pas se laisser déborder par la vague. Nous devons réguler nos usages personnels du web pour nos sortir de ce flux ".
Se protéger, expliquer
Guy Birenbaum parle de « la Tribu des têtes baissées » (en train de consulter leurs messages), il parle avec humour d’une possible fracture du pouce, il évoque des risques d’addictologie. Mais qui va appuyer sur le bouton ’’stop’’ ? « Je ne suis pas pour la censure d’internet, je ne veux pas vivre en dictature comme en Chine. Il faut que chacun se protège et connaisse bien les risques ».
« Un soir, par hasard, en consultant l’historique de mon ordinateur, j’ai découvert que mes deux gamines étaient allées sur des sites porno. Conseil de famille. Les gamines en pleurs. J’ai reconstitué l’histoire. Elles avaient fait une recherche sur internet et, de lien en lien, parties de A , elles se sont retrouvées en B où elles ne voulaient pas aller. Interdire l’ordinateur ? Non. Mon épouse et moi nous avons expliqué les choses. Cela ne s’est plus jamais reproduit ». (*)
Guy Birenbaum ne croit pas à l’interdiction, il croit à la responsabilité individuelle et collective, il insiste sur l’importance de la pédagogie. « Eduquer, éduquer, éduquer. Trier. Ralentir » - « Je ne prends plus jamais mon téléphone avec moi, lorsque je fais du sport. Rester curieux, surpris, étonné, ouvert, un peu insouciant, prendre soin de ma famille ... »
Livre « Vous m’avez manqué » de Guy Birenbaum, 400p, Ed. Les Arènes.
(*) C’est ce qu’on appelle la sérendipité, en référence à un conte oriental Voyages et aventures des trois princes de Serendip. Le mot est né le 28 janvier 1754 lorsque l’écrivain anglais Horace Walpole, dans une lettre à un lointain cousin, utilise le terme « serendipity », pour désigner la faculté de « découvrir, par hasard et sagacité, des choses qu’on ne cherchait pas ».
L’honneur retrouvé d’un élu
méfiance ! L’été dernier, en pleine offensive israélienne à Gaza, un tweet avait provoqué une vague d’indignation sur la toile. Le message commentait la photo d’un enfant ensanglanté, victime palestinienne, qui était comparé à de la ’’viande hallal’’. Ce tweet choquant émanait d’un compte attribué à Jacques R. maire-adjoint d’une commune du Maine-et-Loire. Les réactions furent violentes. Parmi les élus de tous bords qui exprimaient leur indignation, l’un d’entre eux avait taxé l’élu de « honte de la République ». Mais l’élu, lui, clamait son innocence, jurant qu’il ne savait même pas se servir de Twitter. A la suite d’une plainte pour usurpation d’identité, le véritable auteur du tweet a été démasqué : un jeune homme de 21 ans qui a reconnu sa culpabilité. « Je retrouve mon honneur et ma dignité », a assuré l’élu en disant « J’ai subi un choc psychologique épouvantable. Aujourd’hui, j’essaye de me rétablir. »