Ecrit le 12 août 2017
Et hop, un petit tour dans le passé, pas toujours réjouissants les « an sept ».
La révolution russe. Miné par la guerre contre l’allemagne qui, en trois ans, a fait près de deux millions de morts, par une crise économique qui entraîne famine et restrictions, par une crise politique larvée depuis l’écrasement de la révolution de 1905, l’Empire russe est au bord du gouffre. Le 8 mars 1917, lors de la journée internationale des femmes, étudiantes, employées, ouvrières manifestent devant la Douma.
Le lendemain le mouvement de protestation s’étend. Les élèves officiers tirent : il y a 150 morts. Des régiments se mutinent. Le Tsar abdique le 15 mars 1917 au profit de son frère qui refuse la couronne. La monarchie impériale s’est effondrée. Mais la guerre continue, les campagnes s’insurgent, les ouvriers prennent le contrôle de leurs usines. Tout est prêt pour la Révolution d’Octobre.
Le général Nivelle lance l’offensive du Chemin des Dames, le 16 avril 1917. l’armée allemande, qui a eu vent du projet, a renforcé ses défenses et ses effectifs sur ce secteur. Les deux tiers des chars sont détruits par les canons allemands. A Craonne le 1er corps d’armée perd 6500 hommes en quelques minutes. Les combattants perçoivent très vite l’échec de l’offensive mais Nivelle s’obstine. Il est remplacé par pétain le 15 mai 1917. Les nouvelles de la révolution russe et des grèves parisiennes attisent la colère. Des mutineries éclatent.
Mutineries : une vague de désobéissance secoue les deux tiers de l’armée française en mai et juin 1917, les soldats forment des cortèges au chant de l’Internationale. Des désertions massives accompagnent le mouvement. Sur le terrain, les officiers font arrêter les ’meneurs’. 500 condamnations à mort sont prononcées, 26 seront effectives. Il y a de sévères peines de prison. Les mutineries prennent fin. Le Maréchal pétain s’en glorifiera en disant : « En 1917 j’ai mis fin aux mutineries. En 1940 j’ai mis un terme à la déroute. Aujourd’hui c’est de vous-mêmes que je veux vous sauver » (discours du vent mauvais, 12 août 1941). On sait la suite.
Troupes russes : en décembre 1915, les armées françaises connaîssaient une pénurie d’hommes. La Russie, faute de moyens matériels, ne pouvait pas utiliser tous les hommes en âge de se battre. La France comptait puiser dans l’immense réservoir humain de la Russie et demandait 40 000 hommes par mois ! En parallèle la délégation française promettait 450 000 fusils aux armées de Tsar.
Elle obtiendra « seulement » 45 000 soldats dont 750 officiers, qui seront armés et équipés par elle. Deux brigades seront envoyées en France (les première et troisième) et deux autres dans les Balkans (les deuxième et quatrième). 20 000 Russes se trouvent ainsi sur le front en France. en mars-avril 1917, quand les premières nouvelles de la révolution russe parviennent jusqu’Ã eux et notamment la disparition des signes d’oppression : le garde-Ã -vous en dehors du service, les ’Votre Excellence’ ou ’Votre Noblesse’ réservés aux officiers, ainsi que les châtiments corporels. Panique du commandement alors que cette troupe va être engagée dans l’opération du général Nivelle.
Lors de l’offensive du Chemin des Dames, 6000 Russes meurent, sont portés disparus ou prisonniers. Les survivants exigent leur envoi dans un camp pour s’y reposer. Le 14 mai la révolte éclate dans leurs rangs. Pour éviter toute contagion révolutionnaire, la 1re brigade est dirigée vers La Courtine, dans la Creuse. l’attaque est menée contre eux par la 3e brigade russe, l’armée française ayant fourni des batteries de 75 et 5000 soldats français formant un anneau autour du camp. Le premier coup de canon est tiré le 16 septembre 1917, les tirs de mitrailleuses dureront 3 jours.
Les meneurs sont emprisonnés à l’Ile d’Aix. Plus de 10 000 hommes sont disséminés en petits détachements de travailleurs hors de portée du front, des troupes françaises et de la population. Les irréductibles, 5000 hom-mes, sont déportés en Algérie, soumis à une discipline de fer et astreints à des travaux éprouvants au bénéfice de l’État et des colons. Jusqu’à leur rapatriement en 1919.
Cette révolte des soldats russes était inadmissible comme le disait Joseph Noulens, ambassadeur de France à pétrograd : « des moujiks d’une ignorance complète péroraient à l’infini, tranchaient, décidaient, non seulement sur les devoirs des officiers envers les soldats, l’administration des corps de troupe ou les problèmes tactiques, mais encore sur les buts de la guerre mondiale, sur l’impérialisme des gouvernements occidentaux, sur les droits de la France au Maroc et dans ses colonies ».
Madagascar : au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le ferment de la révolte contre le joug colonial malmène l’Empire français en plusieurs points. L’insurrection éclate à Madagascar le 29 mars 1947. Elle s’étend en avril sur une vaste zone du pays mais ne touche pas les grandes villes. Quelque 20 000 rebelles sont armés essentiellement de sagaies et de machettes.
En face les troupes coloniales comptent 18 000 soldats. La frépression est impitoyable, destruction de villages et de récoltes, viols, exécutions sommaires de prisonniers et de non-combattants. La répression militaire et le nombre des victimes déclarées (30 000 ?) sonnent comme un avertissement aux populations colonisées qui auraient pu être tentées par la lutte armée ...
Bataille d’Alger. La guerre d’Algérie a réellement commencé le 8 mai 1945. Ce jour-là , pour fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale et la victoire des Alliés, un défilé est organisé dans diverses villes d’Algérie. Les partis nationalistes algériens, profitant de l’audience particulière donnée à cette journée, décident par des manifestations de rappeler leurs revendications ; ces manifestations sont autorisées par les autorités à condition que seuls des drapeaux français soient agités.
A sétif, les manifestent crient « nous voulons être vos égaux ». Bouzid Saâl, jeune scout musulman tenant un drapeau de l’Algérie est tué. Des émeutes ont lieu en divers points de l’algérie. La répression organisée par le Général de Gaulle est violente, féroce. Elle dure sept semaines. Il y a une centaine de morts européens et beaucoup plus de morts algériens, sans qu’on puisse dire combien, 20 000 ? 30 000 ? ou jusqu’Ã 45 000 ? Des miliciens utilisent les fours à chaux pour faire disparaître des cadavres. l’armée organise des cérémonies de soumission où tous les hommes doivent se prosterner devant le drapeau français et répéter en chœur : « Nous sommes des chiens et Ferhat Abbas est un chien ».
Les Algériens (ils ne portent pas encore ce nom) sont toujours soumis au Code de l’indigénat. Celui-ci distinguait les citoyens français (de souche métropolitaine) et les sujets français, c’est-Ã -dire les Africains noirs, les Malgaches, les Algériens, les Antillais, les mélanésiens, etc. Les sujets français soumis au Code de l’indigénat étaient privés de la majeure partie de leurs libertés et de leurs droits politiques. Il s’agissait de mesures discrétionnaires destinées à faire régner le « bon ordre colonial », celui-ci étant basé sur l’institutionnalisation de l’inégalité et de la justice. Les autorités françaises réussirent à faire perdurer le Code de l’indigénat en Algérie pratiquement jusqu’Ã l’Indépendance (1962).
En 1954 les dirigeants du FLN dont Ahmed Ben Bella, donnent le signal de la lutte armée. Ils appellent à la grève le 28 janvier 1957 mais l’armée défonce les rideaux baissés des commerces. Durant trois semaines la troupe patrouille, fouille, entoure la Casbah de barbelés. Aux attentats des uns répond la répression des autres, tortures, exécutions sommaires, avec Massu et Bigeard l’armée a tous les pouvoirs. Jacques Pâris de Bollardière demande à être relevé der ses fonctions, Paul Teitgen aussi. Le poète Vercors refuse la légion d’Honneur, René Capitants suspend ses cours à l’Université.
La bataille d’Alger se termine le 8 octobre 1957, le FLN est décapité, militairement, mais il a maintenant l’écoute d’un nombre plus grand d’Algériens...
[Sources : chroniques Il était une fois parues dans l’Humanité-Dimanche]