Ecrit le 24 avril 2019
La haine est le sentiment qui se porte le mieux, au détriment de tout le monde. Et les réseaux ’sociaux’ sont le vecteur du défouloir des minables. Car tout est prétexte à vomir la haine de l’autre. Et plus on est, ou on se croit minable, et plus on tente d’abaisser ceux que l’on croit supérieurs à soi. Sans justification, d’ailleurs ! qu’est-ce qu’un minable : aucun critère objectif ne peut le définir. Pas plus qu’on ne peut définir un « être supérieur ». Supérieur en quoi ? En discours, en cuisine, en course à pieds, en politique, en mathématiques ?
Tout est alors effet de sentiment : j’ai le sentiment d’être inférieur, que pourrais-je faire pour me venger ? Sur quel point sensible puis-je appuyer, pour faire mal ?
Un point sensible : le physique. « Grossetruie noire » si une femme a la malchance d’être forte et noire. Ce genre d’insulte sexiste s’applique rarement aux hommes replets. Barbara Palvin, qui est officiellement l’une des ’Anges’ de Victoria’s Secret a été attaquée sur les réseaux ’sociaux’, certains jugeant qu’elle est trop grosse ! En effet : 54 kg pour 1m75 !
Selena Gomez est une actrice et chanteuse américaine, elle a posé en tenue rouge sur un magazine italien, s’attirant un commentaire public d’un grand couturier, Stefano Gabbana, disant : « elle est vraiment moche ».
Un point sensible : l’habillement. Cameron Diaz, célèbre actrice américaine de 47 ans, qui a quitté les studios de cinéma pour s’occuper de sa fille est tout à coup critiquée pour sa tenue vestimentaire, car elle a « toute la panoplie de la parfaite retraitée californienne : lunettes en mode pare-soleil, petit chandail en laine, lèvres refaites. Ne lui manque plus qu’un petit caniche, à cette drôle de dame ». c’est vrai, avoir de l’âge cela ajoute un motif de critique,
Etre jeune et jolie, cela permet-il d’échapper au cyberharcèlement ? Pas sûr. Il faut être muette en plus et soumise. l’ancienne ministre du Logement, cécile Duflot, a osé révéler avoir été elle-même agressée par l’ex-député Denis Baupin. Et, depuis, elle reçoit le même message d’insultes, environ toutes les heures « Imparable, adresse à chaque fois différente, imblocable ». Un cyberharceleur a programmé un robot à cet effet.
Bon, donc, sois-belle, tais-toi et bosse ! Mercredi 10 avril, à Bruxelles, le monde découvrait pour la première fois la véritable image d’un trou noir. Cette dernière n’aurait jamais pu ête réalisée sans l’algorithme CHIRP (Continuous High-resolution Image Reconstruction using Patch priors) développé en 2016 par une jeune diplômée du Massachussetts Institute of Technology, Katie Bouman. La jeune femme est, depuis, victime de cyberharcèlement. Sur les réseaux ’sociaux’, certains affirment que c’est un de ses collègues du projet, Andrew Chael, qui est le vrai auteur de l’algorithme et donc, par extension, de la reconstitution du trou noir. Pas de chance pour ces détracteurs, Andrew Chael lui-même s’est levé pour défendre sa collègue et amie, réclamant à tous de cesser cette vendetta sexiste.
Donc, reprenons, sois belle, bosse et tais-toi ! Et ne t’avise pas de te distinguer d’aucune manière. En Italie, en septembre 2018, a eu lieu le concours de « Miss Italie » où Chiara Bordi, 18ans, s’est retrouvée troisième sur le podium. Si elle n’a pas remporté la victoire, ce classement est déjà une belle victoire pour cette jeune femme portant une prothèse de la jambe depuis une amputation quelques années plus tôt, ce qui ne l’a pas empêchée de défiler en bikini. Mais elle a ensuite été victime de harcèlement sur les réseaux ’sociaux’ lui disant qu’elle n’a dû sa troisième place qu’Ã son statut d’estropiée !
« Ce qu’il faut comprendre c’est que le harcèlement, ce n’est pas juste un accident, ça participe d’un mécanisme qui vise à faire que les femmes s’auto-limitent »dit cécile Duflot.
Mais il n’y a pas que les femmes ! David Lafarge est un Youtubeur, devenu populaire grâce à sa passion pour Pokémon. début avril 2019 il a raconté le cyber-harcèlement dont il est l’objet : « Cela fait 4 ans que chaque jour je me fais harceler, quand je prends du poids, sur ma façon de m’habiller, sur ma façon de parler ou sur ce que j’aime ». On peut alors lire sur lui des commentaires comme « tu manges bien à la cantoche, enfoiré », « il mange bien David », « t’as un morceau de carte sur le menton à 7mm33 sur ton 3e menton, ça évitera de chercher ». Et il met en garde ses amis : « Ça fait extrêmement mal, il faut faire très attention. N’écoutez pas les autres, aimez-vous et n’abandonnez jamais. Le cyber harcèlement est quelque chose de très dangereux, il est si facile de se cacher derrière un logo... ».
En Belgique le Centre ENER’J a conçu une animation destinée à informer les jeunes 12-18 ans sur le cyberharcèlement
voir le site enerj.be
Jusqu’Ã la mort
Au Bangladesh Nusrat Jahan Rafi, 18 ans, a été amenée sur le toit de la madrassa où elle suivait des études, dans la ville de Feni le 6 avril 2019. Au moins quatre personnes l’ont aspergée de kérosène avant de mettre le feu à ses vêtements. Cette attaque a été commise suite au refus de la jeune femme de retirer sa plainte de tentative de viol déposée le 27 mars contre le directeur de la madrassa. Elle a succombé à ses blessures.
La justice condamne
Depuis le mois d’août 2018, la loi punit les faits de cyber-harcèlement « en meute », plus communément appelés « raids numériques ». Le harcèlement est désormais caractérisé par la répétition des messages et plus seulement corrélé à un seul auteur.
Plusieurs femmes ont révélé par exemple avoir été l’objet de harcèlement sexuel de la part de Denis Baupin. Celui-ci a porté plainte en diffamation. Le 18 avril la justice a relaxé les journalistes poursuivis en diffamation pour avoir donné la parole à ces femmes accusant Denis Baupin d’agressions sexuelles et de harcèlement, et relaxé également ces femmes.
Un autre agresseur condamné : l’histoire remonte à novembre 2017. La journaliste Nadia Daam qui officiait alors sur Europe1 a été la cible de menaces répétées de mort et de viol. Un déferlement de haine consécutif à une chronique, dans laquelle elle fustigeait les « trolls antiféministes » du tristement célèbre forum Blabla 18-25 du site Jeuxvidéo.com.
Son cyber-agresseur a multiplié les messages et intimidations à son encontre, appelant avec force détails pornographiques, à « violer le cadavre » de la journaliste, ainsi que la fille de celle-ci. Après ce « raid numérique » la journaliste a vécu dans la peur. Elle a rappelé, alors que le cyberharceleur parlait de « fantasmes », qu’elle avait dû déménager et changer sa fille de collège. Parce que les harceleurs connaissaient lson adresse et le faisaient savoir. Elle a aussi chamboulé sa vie professionnelle, ce cyberharcèlement a eu pour effet de brider sa liberté de ton et d’expression.
Au final, l’étudiant a été condamné le 17 avril 2019 à cinq mois de prison avec sursis et 2.500 euros pour préjudice moral, Mais il a fait appel
Libération de la parole ?
Libération de la parole et réseaux sociaux, un binôme pour le meilleur ? Voire... Deux situations sont pour le moins problématiques :
– d’une part au vu du cyber-harcèlement dont plusieurs personnes sont la cible en France,
– et d’autre part la dénonciation nominative sur les réseaux sociaux qui ne doit pas se substituer à une instance judiciaire. Une plainte, même si l’on ne connaît que trop les difficultés pour les victimes à obtenir une véritable écoute, reste la solution car, rappelons-le, la diffamation est le fait de porter atteinte à la réputation de quelqu’un, même si les faits allégués sont vrais et prouvés.
Alors espérons que des moyens soient enfin donnés pour la formation des personnels judiciaires devant recueillir la parole des victimes et pour l’éducation en amont. Pour que les réseaux ’sociaux’ ne conduisent pas à la libération de la haine,