Ecrit le 8 août 2007
Ils ont aussi une histoire
(article de V Daubas Letourneux
paru dans l’Humanité du 4 juillet 2007) (1)
Alors que la question de « I’insécurité » est déclinée dans tous les discours, on en fait peu de cas dans le contexte du travail où il existe un risque non négligeable de se blesser, voire de perdre la vie (2).
C’est comme si l’accident du travail était un événement individuel, dont le caractère « accidentel » renvoie à des explications relevant du hasard, voire de la fatalité.
Il s’agit pourtant bien d’un fait social. Sa survenue, son traitement institutionnel, ses implications questionnent les différentes dimensions de l’organisation sociale.
Or le principal vecteur sur lequel est fondée la connaissance des accidents du travail (les statistiques publiées annuellement par l’Assurance maladie) rend difficilement compte de cette dimension : ces chiffres sont construits selon une logique gestionnaire axée sur un « coût » économique. Outre le fait que cette logique laisse invisibles (car non comptabilisés) les accidents du travail non déclarés ou non reconnus, elle contribue à construire une représentation des accidents du travail totalement coupée du contexte des rapports sociaux qui s’y rapportent.
Risque intégré
En particulier, on ne connaît rien, ou presque, du parcours professionnel et du devenir des accidentés du travail. Ils ont pourtant une histoire. Et quand on l’écoute, on découvre des situations de précarisation montrant combien ce problème est aussi celui d’une organisation sociale du travail qui utilise la fragilisation de la santé comme moyen de gestion de la main- d’œuvre et comme instrument de flexibilité (3).
lI y a bien sûrdifférents types de situation. Dans certains contextes de travail, la santé est préservée et les accidents qui y surviennent donnent lieu à une déclaration. Ils obtiennent ainsi une visibilité à la fois dans l’espace de travail et dans la sphère institutionnelle.
Des traces dans le corps
Dans d’autres contextes, il existe des risques permanents, connus des salariés, qui savent s’en protéger mais ne disposent pas toujours des marges de manœuvre le leur permettant. L’organisation du travail intègre d’une certaine manière ce risque d’accident, mais le conflit de logiques (productivité contre santé des salariés) et l’inexistence fréquente de rapports de forces collectifs au sein de l’entreprise font obstacle à une transformation de cette organisation du travail.
Enfin, les accidents surviennent aussi dans des contextes de mise en danger de salariés confrontés au cumul des contraintes et exposés à une forte précarisation de l’emploi. Les accidents du travail peuvent alors devenir des événements charnières dans le parcours des accidentés, générant ou accélérant un processus de déconstruction de la santé et d’exclusion de l’emploi.
Or on s’aperçoit que cette inscription « biographique » des accidents dans les corps et dans les parcours des salariés se trouve souvent liée à une non-inscription dans les dispositifs de reconnaissance et d’indemnisation, laissant alors non questionnés les liens existant entre le travail, la santé et la précarisation des parcours.
Sur les accidents du travail : une étude de la Dares, Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, dépendant du Ministère de l’économie et des finances.
http://www.travail.gouv.fr/IMG/pdf/2007.08-31.2.pdf
Santé et restructurations : le rapport de l’Hires, 2009
Taxer les indemnités des accidentés du travail : un impôt sur une jambe de bois