Augmentations des tarifs
Grève des médecins et consumérisme
Horaires excessifs et médecine rapide
Et surtout, la santé !
LES MUTUELLES DE LOIRE ATLANTIQUE
Les Mutuelles de Loire-Atlantique dénoncent _ les augmentations sauvages et appellent à une vraie réforme des modes de rémunération des professionnels de santé
Alors que s’engagent les négociations entre les médecins et la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, les Mutuelles de Loire Atlantique :
– dénoncent la méthode de certains médecins qui consiste à augmenter unilatéralement leurs honoraires. Le passage de la consultation de 17.53 € à 20 € représente une évolution de 15 % à la charge des assurés. Les patients ne peuvent être pris ainsi en otage et faire les frais d’une absence de dialogue entre les pouvoirs publics, la CNAM (caisse nationale d’assurance maladie) et les représentants des professionnels de santé.
Le respect des engagements conventionnels impose des droits et devoirs et demeure dans notre système de santé actuel le meilleur moyen pour permettre à chacun d’avoir accès aux soins quels que soient ses moyens.
Le seul paiement à l’acte a vécu
– Elles considèrent et partagent le sentiment qu’il existe un vrai malaise parmi les professionnels de santé. Une simple revalorisation des honoraires ne réglera rien. Le seul paiement à l’acte a vécu. Il faut profiter de la crise actuelle pour engager une vraie réforme des rémunérations des praticiens, adaptée à l’évolution du rôle des médecins, car leurs prestations sont loin d’être uniformes et de même nature. Faut-il rappeler qu’en 1994, lors de son congrès de Bayonne, la Mutualité Française, dans sa « Charte pour une protection sociale en l’an 2000 » préconisait déjà d’instiller une part de rémunération forfaitaire dans les honoraires des médecins ?
Les Mutuelles demandent à tous les acteurs de faire preuve de courage et de responsabilité pour réformer le système d’assurance maladie.
(communiqué du 14 janvier 2002)
Éditorial de POLITIS (extraits)
Grève des médecins et consumérisme
Cet éditorial du 10 janvier 2003, emprunté au journal Politis, pose bien le problème de la médecine dans notre société qui glisse de plus en plus vers le mercantilisme et son reflet : le consumérisme.
" Une grève des médecins ne peut pas être regardée comme appartenant au long cortège des mécontents qui vont défiler dans les rues d’ici à l’élection présidentielle, une catégorie de grincheux à mi-chemin entre les flics et les gendarmes - même s’il y a de cela aussi.
Une bonne médecine est le témoin d’un certain niveau de civilisation. Or, à juste titre, notre système de soins avait jusqu’ici une réputation que beaucoup nous enviaient. Et que beaucoup nous envient encore. Le Royaume-Uni, cet eden libéral, nous envoie par exemple ses malades qu’il est incapable de traiter dans des délais raisonnables. Voici peu de temps, notre médecine était connue pour sa qualité, et un certain souci d’égalité sociale. hélas, tous les acteurs du système de santé s’accordent pour dénoncer aujourd’hui une détérioration rapide .
La revendication d’une revalorisation du prix de l’acte n’est certes pas scandaleuse. Mais un certain nombre de médecins en dénoncent les effets pervers. Selon eux, le paiement à l’acte encourage une pratique stakhanoviste. Et, plus grave, il sépare l’acte thérapeutique proprement dit de tout un environnement social. Il condamne le médecin à « hériter » de la maladie sans pouvoir en connaître les causes et, moins encore, agir sur elles.
Or, des médecins disent combien les nouvelles pathologies qu’ils rencontrent sont liées à un retour de la grande misère, ou au stress engendré par un monde tourné vers la compétition. Et quelques-uns refusent d’en être réduits à panser les plaies sans pouvoir dire leur mot de citoyens sur les mécanismes sociaux qui blessent ou qui tuent.
Cela dit, il ne nous appartient surtout pas de juger ceux qui souhaitent gagner un peu plus et travailler un peu moins. Après tout, on ne peut pas exiger d’une profession qu’elle supporte les tares de notre société. Mais notre sympathie va évidemment à ceux qui osent sortir de leur pré carré, et sont citoyens avant même que d’être médecins ".
(Denis Sieffert, Politis)
Horaires excessifs et médecine rapide
(écrit le 14 février 2002)
Une coordination nationale des médecins généralistes opposés à l’accord du 24 janvier entre le syndicat MG France et la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) a appelé à des « journées sans médecin les 15, 16 et 17 février 2002 ».
Deux points de vue s’expriment à ce sujet : Les uns disent « voilà donc des médecins libéraux qui tiennent des coordinations nationales comme de vulgaires infirmières du secteur public. On aura tout vu, à la veille des élections présidentielles et législatives qui donnent lieu à toutes les surenchères »
Mais d’autres reconnaissent que certains médecins, dans les campagnes par exemple, ou dans les quartiers défavorisés, ont des problèmes financiers, que beaucoup de médecins gagnent moins, à heures égales, que beaucoup de leurs patients et surtout beaucoup moins qu’un médecin du travail ou un médecin de mutuelles.
Horaires excessifs
Mais surtout, au delà des problèmes financiers, il y a un réel malaise des médecins généralistes qui n’apparaît pas parce que ce qui est relayé dans la presse, ce sont les mots d’ordre d’augmentation des honoraires, alors que le mal est plus profond. Mais toute la difficulté est de faire émerger les vrais problèmes : ceux qui font 12 à 14 h par jour , ont du mal à y voir clair et à émerger
Un médecin, le Docteur Louis JARNET(médecin généraliste à Rezé) pense qu’il y a un problème d’exercice de la médecine. Pour lui le sacro-saint « paiement à l’acte » n’est pas l’avenir de la médecine générale ! « A la différence des spécialistes qui réalisent surtout des actes techniques, la fonction globale du médecin généraliste (soins mais aussi coordination et prévention) n’est pas prise en compte dans ce mode unique de rémunération . Ce système du paiement à l’acte n’enrichit que les médecins qui en pratiquent beaucoup, tout en les conduisant à des horaires justement jugés excessifs ».
« De même le paiement à l’acte ne favorise guère l’investissement en matériel, ni l’exercice en cabinet de groupe (réelle-ment pluridisciplinaire ) ni l’emploi de personnel à temps plein : les charges sont trop lourdes. Il ne permet guère le travail à temps partiel qui semble attirer les jeunes médecins qui sont de plus en plus des femmes . 35 heures ou 50 heures , les frais de fonctionnement sont les mêmes » .
Une médecine rapide
« Le paiement à l’acte favorise une médecine rapide, grosse utilisatrice de médicaments, ce qui fait la joie de l’Industrie Pharmaceutique. Le paiement à l’acte conduit à la privatisation de la sécurité Sociale, par le biais d’assurances, et ce n’est pas le système anglais que je crains mais le système américain : voyez » Urgences « à la télé où l’on découvre des malades sans assurance sociale obligés d’aller à l’hôpital pour des soins » primaires « , et ne pouvant bénéficier de certains soins faute de couverture suffisante »
« Les médecins qui tomberont sous la coupe de ces assurances à but lucratif regretteront la » douceur « de la sécu ... »
Numerus clausus
« Les risques de dérive à l’anglaise sont plutôt liés à la démographie médicale en chute à cause du numerus clausus institué à l’entrée des facultés de médecine et au déficit qui en découle de certains spécialistes des hôpitaux publics (les anesthésistes, les gynécologues obstétriciens et bientôt les chirurgiens). Numerus clausus demandé en son temps par des technocrates (en particulier de la Caisse nationale d’assurance Maladie) et certains syndicats de médecins, ne l’oublions pas ».
Y a-t-il des alternatives ?
« Les politiques (les Socialistes en tête) n’ont pas eu le courage des vraies réformes, dit Louis Jarnet. » Dès 1980 des expériences étaient prêtes à démarrer (pas moins de 40) dans tout le pays, soigneusement préparées par des médecins mais aussi des usagers. L’une près de Nantes n’a pas vu le jour pour des raisons purement politiques (sous la Gauche). A Saint Nazaire, une expérience a vécu 3 ans : torpillée par la Droite avant d’avoir donné des résultats. Une étude sur son coût a été faite et jamais rendue publique. Pourquoi ? Au fond pour tout dire, le gouvernement Jospin, et madame Guigou en particulier, prennent dans les gencives (restons polis) le manque de courage politique de leurs collègues de ces années-là « Relançons ces expériences, librement : on verra bien si ça fonctionne et si les gens sont satisfaits .Si c’est aussi mauvais que le disent les tenants du paiement à l’acte , ce n’est pas grave ça s’écroulera , mais si les usagers y trouvaient leur compte et que cela intéressait des médecins ? A-t-on peur (dans le milieu qui se dit » libéral ") de la liberté et de la diversité des rémunérations en médecine générale ?
dés maintenant, il existe des innovations à promouvoir qui permettraient de sortir du seul paiement à l’acte : MG France (l’autre syndicat de médecins généralistes) qui s’est lancé dans la grève en demandant moins de sous (et qui a obtenu la consultation à 18,50 euros, 121,35 au lieu de 115 F) a fait pourtant preuve dans le passé de plus d’imagination : honoraires plus élevés pour « maintien à domicile », prise en compte des soins d’urgence dans la journée et surtout l’avenant conventionnel créant le « médecin référent » qui est entre autre modification un début de réponse à une rémunération différente (45,73 euros par an et par patient sous forme de forfait). Les rares patients ayant adhéré au contrat « référent » sont dans leur majorité satisfaits des avantages (lire plus loin).
Ces patients (qui bénéficient ainsi d’une dispense d’avances de frais : tiers payant) sont rares parce que les médecins référents sont peu nombreux. Mais pourquoi ?
« Parce que l’application de cet avenant conventionnel aurait fait la joie de Courteline tant il est rebutant dans son fonctionnement. On peut remercier certaines Mutuelles de leur » sabotage « du principe du paiement des honoraires en tiers payant aux dits médecins référents. J’en sais quelque chose pour pratiquer le système depuis sa création : j’ai perdu de l’argent, comme mes confrères volontaristes ou un tantinet masos ». dit Louis Jarnet
Enfin , cette grève des gardes a au moins le mérite de démontrer que les généralistes ont leur place dans le système de soins, et aussi des urgences vraies, n’en déplaise à certains chefs de SAMU qui ne voulaient pas les voir, il n’y a pas si longtemps, dans l’organisation des gardes
JARNET Louis, docteur en médecine
25 rue Emile Blandin
44400 REZE