Ecrit le 6 décembre 2006
En prison tous les mercredis
M. a 22 ans : cela fait 4 ans qu’elle est « génépiste » et passe deux heures par semaine en prison !
Après son baccalauréat, elle est allée faire des études de droit avec un but précis : devenir avocate. Une affiche un jour attire son attention : devenez génépiste, donnez de votre temps pour la réinsertion des détenus. « les études sont très prenantes, c’est vrai. Mais je ne voulais pas rester au niveau de la théorie. J’ai tout de suite souhaité donner de mon temps aux prisonniers ».
« La première réunion, nous étions 150 environ ». Preuve qu’il y a encore des jeunes capables de générosité. « On nous a proposé de revenir la semaine suivante avec un projet précis que nous souhaiterions mener en détention ». « J’ai remis mon projet et génépi a sélectionné une dizaine d’étudiants parmi les quelque 70 qui avaient présenté un projet. Après un entretien j’ai été prise ».
Commence alors une période de formation : comment se comporter face à des détenus, comment organiser une activité, comment informer le public sur l’univers carcéral. « Nous avons beaucoup discuté, pour affermir notre engagement. Certains, parmi nous, ont alors découvert qu’ils n’étaient pas faits pour ce type d’action ».
L’étape suivante, ce fut la visite de la maison d’arrêt . « J’avais un noeud au ventre avant d’y aller. La prison c’est quelque chose de terrible. Je me rappellerai toujours le bruit des clefs, les odeurs, les cris des détenus pour parler aux autres. L’impression de visiter un zoo d’autant plus qu’un certain nombre d’hommes n’avaient pas vu de femmes depuis des mois. On nous a fait visiter une cellule en l’absence de son occupant : j’avais l’impression de violer l’intimité de la personne. Et pour finir : le mitard. Horrible. Je comprends le fort taux de suicide en prison. C’est un univers sale, triste, glauque ».
M, pour autant, ne renonce pas à son projet et poursuit une activité, depuis 4 ans, auprès des mineurs : apprentissage de la sécurité routière et jeux de société.
« Tous les mercredis, avec une collègue, nous allons à la prison dès 9 heures. Le surveillant va frapper à la porte des détenus du quartier des jeunes. Ils ont 16-18 ans, mais j’en ai vu un de 14 ans. Dans la semaine ils ont de l’école, à la prison. Le mercredi matin est leur jour de congé. Ils viennent, ou ne viennent pas, comme ils veulent. Nous ne sommes pas là pour poser des questions sur les causes de leur emprisonnement. Nous sommes là pour leur faire oublier là où ils sont ».
Alors, entre les jeunes filles et les jeunes détenus, des liens se créent peu à peu. « Ils nous parlent de leur moral, de la famille qui leur manque, de ce qu’ils voudraient faire en sortant ». « Certains s’intéressent à ce qu’ils voient à la télévision, d’autres ne s’intéressent à rien, déjà coupés du monde. Souvent coupés de leur famille : les surveillants nous disent qu’ils ont peu de visite ».
Certains jeunes, solitaires, craquent. D’autres font croire que la prison leur est indifférente. « Mais le plus triste c’est de savoir que, finalement, la prison est leur monde, un élément de sécurité dans leur vie. Ca fait mal au cœur ».
Une grande surprise des jeunes détenus : « Vous faites cela gratuitement ? !! » disent-ils aux jeunes génépistes !
M., en remplacement, est intervenue aussi auprès de détenus majeurs. « C’est un rôle difficile. Pour la Direction, qui nous accepte bien, nous faisons de l’occupationnel. Avec les surveillants, ça va, mais dans d’autres prisons nous serions facilement cataloguées comme prostituées ! Les détenus que nous rencontrons sont triés sur le volet : notre activité n’est pas proposée à ceux qui ont des problèmes de comportement ».
Aux détenus adultes il est proposé du soutien scolaire : de l’enseignement général (mathématiques, français, physique, langue...), voire de l’enseignement supérieur (droit, philosophie, économie), en commençant par la lutte contre l’illettrisme si nécessaire.
génépi organise aussi des activités socio-culturelles : théâtre, hip hop, création artistique, mais aussi revue de presse, aide à la préparation du code de la route,... « Un stage de danses bretonnes, où sont venus surtout des jeunes musulmans, a eu beaucoup de succès » raconte M.
Occasionnellement, l’association génépi organise des rencontres sportives, spectacles, concerts... au sein des établissements pénitentiaires.
Ces différentes interventions en détention ont toutes pour but d’aider à la réinsertion des personnes détenues à leur sortie. « Les détenus nous disent que nous sommes une bouffée d’oxygène, en apportant gaieté, sourire, bonne humeur ».
Changer ?
La situation en prison, de plus en plus dénoncée, peut-elle changer ? M n’y croit pas. « Si l’on construit de nouvelles prison, cela va inciter les juges à les remplir. La prison est souvent une alternative au manque de travailleurs sociaux. Il y a actuellement un travailleur social pour 100 détenus. C’est n’importe quoi » dit M.
En France il y a environ 1500 génépistes. : « On ne peut faire cela que lorsqu’on est étudiant. Quand j’aurai fini mes études, je m’engagerai de façon différente mais je m’engagerai » dit M. qui, manifestement, a du cœur dans les idées !
Un questionnaire sur les prisons ?
Genepi
Suite à de violentes émeutes au début des années 70, les pouvoirs publics décident d’ouvrir les prisons et font appel à des intervenants extérieurs. C’est dans ce contexte que M. Stoléru, alors conseiller économique à la Présidence de la République, est chargé de solliciter les étudiants. Il organise une rencontre entre élèves de Grandes Ecoles et l’Administration pénitentiaire qui aboutira au dépôt des Statuts du GENEPI le 26 mai 1976.
Objectifs
Le GENEPI est une association « loi 1901 » à but non lucratif sans affiliation politique ni religieuse.
Le GENEPI a pour objet de « collaborer à l’effort public en faveur de la réinsertion sociale des personnes incarcérées par le développement de contacts entre les étudiants de l’enseignement supérieur et le monde pénitentiaire. » (Article 3 des statuts)
Pour atteindre cet objectif, le GENEPI se donne deux moyens :
- - des interventions en détention (des cours et des animations dans des domaines très variés).
- - des actions d’information et de sensibilisation du public touchant aux domaines de la prison et de la justice.