Ecrit le 3 novembre 2004 :
Susan George
On l’appelle « Grand-mère courage » : Susan George est née ......... un jour, il y a environ 70 ans, en Amérique, Américaine de Naissance, Française de choix, politologue et grand-mère de quatre petits-enfants. Elle parcourt le monde, de sommet international en forum social mondial. Et ce 8 novembre 2004, elle vient spécialement pour les castelbriantais.
Après Bertrand Tavernier, après Albert Jacquard, voici Susan George. Les associations organisatrices savent choisir leurs intervenants !
Susan George dénonce depuis longtemps un « gouvernement mondial » non élu et non légitime qui imprime les objectifs et le calendrier du libéralisme actuel. Elle va jusqu’Ã l’accuser de favoriser l’éclatement des guerres.
Susan George dirige l’Observatoire de la mondialisation à Amsterdam et est également vice-présidente de ATTAC [association pour une Taxation des Transactions financières pour l’Aide aux Citoyens]. Elle a écrit de nombreux livres comme Comment meurt l’autre moitié du monde et L’effet boomerang , Le Rapport Lugano (Fayard, 2000) et dernièrement La mondialisation libérale (avec Martin Wolf, Grasset / Les Echos, 2002) et Un autre monde est possible si...(Fayard, 2004).
Grande dame, elle se montre égale d’humeur, pleine d’esprit et de courtoisie, sereine et critique à la fois. Elle condamne les violences commises, comme à Gôteborg en 2001, parce qu’elles font le jeu de l’adversaire, entretiennent une culture vénéneuse, brisent les engagements pris (et toute confiance démocratique ). « Ce n’est pas révolutionnaire de diviser le mouvement social et d’aliéner les alliés potentiels, ce n’est pas révolutionnaire de susciter de la sympathie pour nos adversaires et de s’opposer à toutes les mesures partielles comme la Taxe Tobin en attendant le Grand Soir. C’est idiot et contre-productif ». dit-elle
De la dette à la faim, en passant par les multinationales et les organisations internationales à sigle (FMI, OMC) Susan George a construit avant l’heure l’agenda de l’altermondialisme. Elle est convaincue qu’il faut du contrôle politique, de l’Etat providence contre la privatisation et de l’initiative économique afin de proposer un plan de sauvetage pour le Sud du monde.
Sur la guerre, celle des Etats, elle a écrit une des plus virulentes polémiques de ces dernières années (Le rapport Lugano Edition Fayard, Paris).
Un autre monde est possible : oui oui !!!
Un autre monde est possible : c’est le slogan qui résume toute l’espérance du mouvement altermondialiste. Mais à quelles conditions ce monde pourra-t-il advenir ? En étudiant ces « si... », Susan George s’adresse aussi bien aux citoyens qui se sont déjà engagés dans la lutte pour une justice globale qu’Ã ceux qui hésitent encore à la rejoindre, ou aspirent seulement à mieux connaître ce phénomène social radicalement nouveau. Elle fait comprendre en quoi consiste la mondialisation néolibérale et quels sont ses effets désastreux, pour les peuples comme pour la planète ; elle suggère également des stratégies pour la faire échouer. En des termes très clairs, n’hésitant pas à faire appel à son expérience personnelle - tirée de trente ans de lutte contre la faim dans le monde, la dette, la pauvreté et ceux qui les perpétuent -, l’auteur présente les propositions du mouvement, mais aussi les impasses et les écueils qu’il lui faudra éviter pour durer. Elle communique surtout sa profonde croyance dans la créativité humaine et dans la capacité de la démocratie à vaincre l’« horreur » économique et écologique du néo-libéralisme.
Ecrit le 17 novembre 2004 :
La mondialisation et les dérives du libéralisme
Invitée par un collectif de 14 associations du Pays de Châteaubriant qui se réclament de l’alter-mondialisme, Suzan George, politologue et vice-présidente d’ATTAC (Association pour une taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens) a tenu ce lundi 8 novembre 2004 deux conférences à l’issue desquelles elle a répondu aux questions des participants.
Sa conférence de 14 h a fait salle comble à la Halle de Béré. Elle rassemblait à la fois un public lycéen, certes majoritaire, mais aussi de nombreux « moins jeunes », soit un public d’environ 800 personnes. Sa conférence de 20 h a réuni environ 400 personnes. Elle a permis d’approfondir les sujets évoqués en début d’après-midi.
Un autre monde est possible, si...
D’emblée, Suzan George se déclare « non-neutre » face à la mondialisation qu’elle estime nocive pour la plupart des pays du monde. Elle veut éveiller les citoyens à la complexité du monde actuel, s’adressant plus particulièrement aux lycéens qui, pour elle, vivent dans une époque qu’elle juge aberrante.
Elle évoque pour eux ses premiers souvenirs historiques marquants :
– d’abord Pearl Harbor qui marque l’entrée en guerre des États-Unis.
– puis, après 1945, la division du monde consécutive aux accords de Yalta.
A l’époque, le néo-libéralisme n’existait pas ; les États se chargeaient (avec plus ou moins de succès) de répartir les ressources entre les riches et les pauvres en utilisant « l’impôt ».
Arrivent ensuite les années 1979-80 :
M. Thatcher et R. Reagan appliquent dans leurs pays les idées concoctées depuis plusieurs années par des « fondations de recherche ». Ces idées, inspirées et financées par les plus grosses sociétés américaines et/ou transnationales fondent le néolibéralisme selon lequel le marché devient le centre de la société et des activités humaines.
Ce concept est renforcé par l’importance technologique accrue des communications et des transports.
Militer
« Autrefois, c’était plus facile de militer » a dit Susan George. On pouvait défiler en disant « Paix au Vietnam » ou « Non à l’Apartheid » et tout le monde comprenait.« Mais maintenant, allez donc dire »Non à l’AGCS « ou » refusons la directive Bolkestein « et personne ne comprendra ».La règle du pays d’origine ne dit rien non plus à nos concitoyens. C’est sûrement « étudié pour » que les citoyens ne puissent se mêler de ce qui les regarde !
Les résultats
Actuellement, les grandes compagnies transnationales représentent 25 % de l’activité mondiale. Malgré leur pouvoir qui outrepasse parfois celui des États, ces entreprises ne veulent pas gouverner directement. Il leur est plus facile (groupes de pression aidant) de demander à des gouvernements démocratiques de faire entériner leurs exigences (lobbying)
OMC
L’Organisation Mondiale du Commerce s’est mise en place entre 1986 -1994 sous la pression des marchés financiers des USA qui veulent désormais des profits indépendants de la production industrielle. Elle abrite une bonne centaine d’accords dont :
– le GATT (Accord Général sur les tarifs douaniers et le Commerce)
– L’AGCS : accord général sur le commerce des services
– L’accord sur l’agriculture
– L’ADPIC : accord sur les droits de la propriété intellectuelle
– TRIPs : accord sur les mesures concernant l’investissement et liées au commerce
– Le TBT : accord sur les obstacles techniques au commerce
– SPS : accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires
– ORD : accord sur les règles et procédures qui régit le règlement des différends.
Des zéros fructueux
Le marché financier, qui ne cherche qu’Ã faire fructifier l’argent, indépendamment de la production a fait ses comptes :
Selon Merrill Lynch (société financière US) , 7,7 millions de personnes dans le monde peuvent placer, sur le marché financier, sans amputer leurs avoirs immobiliers et industriels, une somme correspondant au nombre 28 suivi de 12 zéros (en $).
Dans ce cas, les zéros ne sont pas nuls !
Peut-on essayer d’imaginer cette somme ? Cette masse d’argent intéresse les banques, les compagnies d’assurances et les fonds de pension (voir p.7), constamment à la recherche d’une rentabilité financière.
Cette recherche du profit conduit à des prédations, particulièrement des licenciements se voulant une réduction des coûts de production pour le seul profit des actionnaires.
En 1915 Henry Ford, (influencé par les syndicats) et peu suspect de socialisme, doublait le salaire de ses ouvriers pour qu’ils puissent acheter ses voitures ! Actuellement on ferait plutôt le contraire !
Les éléments de
la mondialisation
Les puissances financières souhaitent encourager la concurrence, (donc productivité et temps de travail) entre les individus (lois sociales de l’État) , mais aussi entre les États et les continents.
Une conséquence : les délocalisations. Elles servent de prétextes pour imposer aux travailleurs la limitation des droits sociaux et de protection du travail.
où en est l’union
européenne face
à la mondialisation ?
Dans son article 1-3, le projet de constitution européenne offre un marché unique où la concurrence est libre et non faussée. Pour les services publics, (art 2-69) l’Union Européenne doit se conformer au principe de libre concurrence.
Une directive « européenne » a décrété que les services publics doivent se conformer à la « libre concurrence ». Une fois de plus, s’appliquerait le dogme, martelé de longue date, selon lequel un service privé serait préférable au service public.
Mais à qui ça profite ?
Sur une période de 50 ans, en France, la part des revenus du capital et du travail a évolué :
– De 30 % à 40 % pour le capital
– De 70 % à 60 % pour le travail.
Dans le monde, les inégalités se sont accrues à l’intérieur de tous les pays, mais plus encore entre les pays pauvres et riches. En témoigne l’évolution des produits et revenus entre les pays les plus pauvres et les pays les plus riches :
– En 1945, l’écart était de 1 à 30
– En 2004, l’écart est de 1 à 84.
La mondialisation
des services
Les appétits des sociétés trans-nationales sont multiples. Cela va de la gestion de l’eau, souvent cruciale dans de nombreux pays, à la fourniture de médicaments ; si le SIDA est souvent cité, des maladies tropicales non rentables pour les labos sont purement ignorées, même si le coût de fabrication des vaccins ou médicaments reste minime.
Cette mondialisation décide du droit des populations d’exister ou non : par la gestion de la santé (SIDA) ; par la gestion des conflits (Tchétchénie, Irak, ...), par la gestion de l’emploi.
AGCS
L’Accord Général sur le Commerce et les Services englobe toutes les activités humaines, dont les services qui représentent 20 % des échanges du commerce international. Ne sont pas concernés les services fournis dans le cadre du pouvoir gouvernemental d’un pays, mais à condition qu’ils ne soient fournis ni sur une base commerciale (paiement du service), ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs. L’objectif primordial est de transférer les services publics vers le secteur privé.
Ces services sont multiples : des affaires aux communications, en passant par la santé, l’éducation, les transports, l’énergie...
Bref, rien n’y échappe ! sauf, en principe, les pouvoirs régaliens des États (justice, police, défense) qui sont déjà battus en brèche ; exemple d’actualité : des sociétés militaires privées sont engagées dans les guerres actuelles (Irak, Côte d’Ivoire).
Bien qu’encore non-finalisé, l’AGCS va dans le sens des intérêts des entreprises transnationales.
Suzan George souligne le manque de pouvoir du Parlement Européen qui doit souvent délibérer de textes complexes dont il n’a connaissance qu’a posteriori.
La cerise
sur le gâteau :
La directive (européenne) Bolkestein veut installer les conventions AGCS sans concession en imposant le concept du pays d’origine : Une société créée dans un pays de l’U.E dont les règles sociales sont minimales, voire inexistantes, pourrait s’implanter dans d’autres pays de l’U.E (où les contraintes sont plus rigoureuses) en respectant ses propres règles.
Face à ces dérives, Suzan George se prononce pour un non au projet actuel de la Constitution européenne qu’elle juge néolibéral.
RLG
Ecrit le 17 novembre 2004 :
Fonds de pension
Ce qu’on appelle « fonds de pension », ce sont des fonds, investis souvent en actions, qui servent à financer les retraites des salariés, aux USA par exemple.
Mais qui sont ces salariés ? il s’agit d’une minorité de salariés, ceux qui peuvent se permettre d’avoir un fort taux d’épargne tout au long de leur vie. Au sein de cette minorité, ceux qui ont des intérêts d’actionnaires significatifs sont eux-mêmes une minorité. Ainsi, aux Etats-Unis, 10 % des ménages détiennent près de 90 % des actions et des parts de « fonds de pension ».
Le but du jeu est de gérer cette épargne pour qu’elle rapporte le plus possible. Les fonds de pension investissent alors dans les entreprises.
En 1998, 40 % environ du capital des plus grandes sociétés « françaises » sont aux mains d’investisseurs étrangers, au premier rang desquels on trouve les fonds de pension anglo-saxons.
Au total, l’épargne financière gérée par l’ensemble des « fonds de pension » était en 1996 de 13 400 milliards de dollars, soit de 181 % du PNB aux Etats-Unis et de 1 300 milliards de dollars, soit 83 % du PNB en France. En 2000, ils détenaient 59 % des actions cotées américaines. (Chiffres extraits de l’annuaire statistique de l’OCDE de 1998)
En quelque sorte, les fonds de pension sont les vrais propriétaires des entreprises. Pour un économiste, est propriétaire celui qui détient « le droit de contrôle résiduel », c’est-Ã -dire le droit d’utiliser souverainement la monnaie qui reste à l’entreprise une fois que celle-ci a honoré tous ses contrats.
L’une des conséquences est que les gestionnaires des fonds de pension interviennent désormais directement sur le périmètre et l’organisation interne de l’entreprise
Ainsi, une minorité de salariés aisés, exigeront la rentabilité la plus élevée possible, ce qui entraîne souvent des délocalisations et des licenciements, touchant la masse des salariés précarisés du bas de l’échelle. Ceux qui ont fait fortune, dans une entreprise, en arrivent ainsi à tuer les entreprises pour trouver le plus gros profit. C’est l’un des drames de notre époque.
(Extrait d’un article paru dans la revue Etudes de février 2001, à partir du livre de Pierre Noë l Giraud, « Le Commerce des Promesses. Petit Traité sur la Finance Moderne » Editions du Seuil )