Ecrit le 25 mars 2009
Françoise Hélène Jourda
L’éco-forum organisé par le Conseil Général les 20-21 mars 2009 a été un franc succès : 416 participants
– 149 entreprises de construction
– 90 professionnels
– 89 représentants de collectivités locales
– 88 architectes
Pour Philippe Grosvalet et Gilles Philippot, cette manifestation répondait à trois objectifs :
– Connaître,
savoir pour conseiller
– Convaincre
– Et créer de la valeur ajoutée.
La première journée, animée par Marika Frenette, architecte franco-canadienne, s’est intéressée aux nouveaux matériaux isolants (le chanvre par exemple, les plumes de canard, la ouate de cellulose) et aux nouvelles solutions de chauffage basse consommation.
Vers 11h30 eut lieu la conférence de Françoise-Hélène Jourda, architecte-urbaniste et enseignante en architecture à l’Université de Vienne (Autriche), autour de la prise en compte du développement durable dans la construction. Houla, ça décoiffe ! Cela fait quasiment 30 ans qu’elle parle d’éco-construction, depuis 1980, à une époque où ce thème était très mal considéré en France.
Un enfant mort de froid
2017, un enfant est mort de froid dans un appartement, parce que les parents n’avaient pas les moyens de payer les notes de chauffage. Procès. Le plainte a mis en cause l’architecte ayant conçu le logement. « Vous avez fait quelque chose de beau, de fonctionnel, mais vous n’avez pas pensé aux gens qui y vivraient ». c’est une histoire, bien sûr.
FH Jourda s’élève contre le parti-pris esthétique adopté par les concepteurs et plaide pour une intelligence architecturale qui prenne en compte les impacts du projet sur l’air, l’eau, le sol, les matières premières, l’énergie, la bio-diversité, le confort et la santé. Tout ça !
A partir de réalisations qu’elle a menées, FH Jourda a montré comment elle essayait de se battre pour le futur. Par exemple, lorsqu’elle a construit le centre de formation du ministère de l’Intérieur à Herne Sodingen en Allemagne, elle a d’abord construit une serre totalement vitrée « dans laquelle le climat rappelle celui de Nice » : les poteaux de bois, 15 m de haut, viennent de la forêt voisine, le chauffage est assuré par 10 000 m2 de panneaux photovoltaïques (« il a fallu faire venir tous ceux qui existaient dans le monde » dit-elle). Le sol est fait de cailloux blancs d’une carrière des environs.
A l’intérieur ont été construits les bâtiments avec façades bois : hôtel de 170 chambres, salles de réunion, bibliothèque, patios, promenades et deux terrains de pétanque ! « La serre a été posée en premier, pour donner de bonnes conditions de travail aux ouvriers ayant poursuivi la construction. Quand je vois, de nos jours, travailler les ouvriers du bâtiment, dehors, par tous les temps, je me dis qu’il y a en France quelque chose qui ne va pas ».
Pour nettoyer les panneaux photovoltaiques, FH Jourda avait pensé à une installation automatique. Mais les autorités allemandes lui ont fait comprendre
que c’était inadapté dans une région qui connaît le chômage !
De nombreux autres exemples ont été donnés : des systèmes de récupération des calories des eaux de la douche, récupération et nettoyage de ces eaux, réutilisation pour les toilettes, construction en sable et en terre crue, etc. Au Maroc, en terre dépourvue d’électricité, FH Jourda a utilisé l’énergie solaire, le jour. Mais comment faire la nuit ? « L’énergie solaire permet le stockage d’eau, pendant la journée. Celle-ci, relâchée la nuit, actionne des turbines qui génèrent l’électricité nécessaire »
Pendant qu’en Allemagne on développait les énergies renouvelables, la France restait à la construction traditionnelle. Il y avait pourtant d’importantes subventions européennes possibles. Mais il y avait aussi les lobby de la construction (cimentiers) et de l’énergie (EDF, Total et autres) qui avaient tout intérêt à ce que rien ne change pour que croissent leurs profits. « La France a 18 ans de retard, mais tout va vite en ce moment, j’ai un formidable espoir » a dit FH Jourda
Cultiver le doute
« Nous ne pouvons travailler seuls » dit FH Jourda . « l’architecte peut concevoir, l’ingénieur fera les calculs nécessaires, l’artisan mettra en œuvre ».
« Il s’agit de travailler en équipe ; de mettre les connaissances en commun » dit Joë l Fourny, « en recherchant les complémentarités, sans mépriser les autres corps de métier ».
« Et surtout en faisant un bon dosage entre compétences et doutes » ajoute Marika Frenette. « Il nous faut établir la culture du doute » reprend François Hélène Jourda, « Nous faisons de notre mieux, mais nous continuons à faire des erreurs, il faut les identifier pour pouvoir aller plus loin ».
Densifier les centres-villes (mais sans créer de tour !), penser à la réutilisation des immeubles de bureaux, et au démontage éventuel des bâtiments que l’on construit, mettre fin à la propriété artistique des architectes lorsqu’un bâtiment est livré, appliquer un principe de précaution vis-Ã -vis des nouveaux matériaux, ne pas systématiser les terrasses végétalisées, etc
Les visites du samedi ont complété les réflexions du vendredi et ouvert des horizons : « Ceux d’entre nous, qui avaient des idées innovantes, hésiteront moins à les mettre en pratique » a conclu Joë l Fourny .
Ecrit le 1er avril 2009
Osons la rupture
Le premier Ecoforum organisé par le Conseil Général a reçu un très bon écho auprès des professionnels du batiment, des élus, des militants associatifs
Tous les participants s’accordent à reconnaitre le point d’orgue de cet évènement en la conférence de Françoise Hélène JOURDA architecte urbaniste militante depuis de longues années. pédagogue, déterminée, preuves par de nombreuses réalisations,le temps lui donne raison et ne peut laisser indifférent.
Electrochoc sans doute pour certains de ses homologues présents, lorsqu’elle dénonça l’incohérence du construit actuel plus motivé par le visuel que le bien vivre dans l’habitat. Extrême jouissance pour d’autres classés militants tellement l’approche globale d’une architecte parisienne pouvait coller aux mots près à ce que développent dans leurs réseaux des militants associatifs ruraux bien de chez nous
« Le développement durable, c’est d’abord une conviction, une autre façon de penser, de vivre. C’est un concept où il faut sans cesse oser l’autoévaluation de nos réalisations, où il faut cultiver le doute... Le développement durable doit être quelque chose de désirable pour lequel il est normal d’éprouver une certaine résistance avant le changement. Ce changement entraine d’ailleurs souvent dans un premier temps de l’irrationnel, de la perte de performance ».Tels furent les propos de cette architecte. Ajoutons seulement qu’il en ressort toujours une élévation de la dimension humaine, seul critère qu’au bout du compte nous devrions considérer.
Alors, si nous voulons que cet Ecoforum ne reste pas sans lendemain, oui, osons cultiver le doute,chacun de nous, quant à la cohérence de ce que nous engageons. Le développement durable nous rappelle tous les jours qu’il est environnementalement sain, socialement plus équitable, économiquement viable. Il est reconnu d’une grande perspective en terme d’emploi. Même le gouvernement d’Obama lui embraye le pas aujourd’hui et en fait une priorité pour sortie de crise
Alors chiche,mobilisons tous nos moyens humains et financiers à réaliser notre rêve. Osons la rupture et imaginons par exemple combien d’emplois on créerait si d’un seul coup on décidait de transférer le montant faramineux de la construction d’un aéroport vers d’innombrables chantiers d’ECOCONSTRUCTION.LÃ , je n’ai plus aucun doute !