Ecrit le 20 juin 2012
La Chine lorgne vers l’Afghanistan
Le Point.fr du 14/06 : Les États-Unis et l’Otan vont abandonner le terrain en 2014 et voilà que déjà la Chine pointe son nez à Kaboul. Après la Grande-Bretagne au XIXe siècle, après l’URSS dans les années 80, après les États-Unis et l’Otan depuis 2001, la Chine va-t-elle se risquer dans cet Afghanistan, toujours sauvage et fier, qui détruit, phagocyte et décourage toutes les armées étrangères qui se risquent sur son sol ?
Profitant du départ des Occidentaux, les Chinois montent progressivement en puissance en Afghanistan. Mais la différence est que leurs raids ne sont pas militaires mais économiques :
– C’est un groupe chinois qui exploite maintenant les mines de cuivre d’Aynak, dans la province du Logar. L’un des plus gros investissements faits à ce jour dans le pays. On parle de 3 milliards de dollars.
– La compagnie nationale de pétrole de Chine vient d’obtenir les droits d’exploitation de gisements pétroliers et de gaz dans les provinces de Sari Pul et de Faryab. Les Chinois sont toujours à la recherche de ressources énergétiques. Les trouver à leur frontière - même si celle-ci se situe à 6 000 kilomètres - serait une bénédiction pour leur économie.
Le commerce entre pékin et Kaboul a été multiplié par plus de dix depuis dix ans. La semaine dernière, le président Hamid Karzaï a signé avec le président Hu Jintao un accord de partenariat stratégique, avant que l’Afghanistan ne soit admis en tant qu’observateur à l’Organisation de coopération de Shanghaï. L’OSC est un club auquel appartiennent la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan, dont pékin voudrait faire une alliance, certes économique, mais aussi susceptible de rivaliser avec l’Otan.
Cette montée en puissance, dont on voit bien qu’elle ne restera pas seulement économique, est probablement une réponse aux décisions américaines à la fois de se retirer d’Irak et d’Afghanistan et, en même temps, de redéployer une partie de l’US Navy dans le Pacifique. En visite en Asie, la semaine dernière, le secrétaire à la défense américain, Leon Panetta, n’a pas insisté pour rien sur le rôle majeur joué auprès des États-Unis par le Japon, la Corée du Sud, le Vietnam et les Philippines. Autant de pays que Washington va soutenir pour empêcher la Chine de recréer, trente ans après la chute du mur de Berlin, un nouvel empire communiste de l’Asie mineure au Nord-Pacifique.
Sarko est bien gardé
Rue89 du 12/06 : l’ancien président de la République va bénéficier d’une imposante protection rapprochée (dix gardes du corps) issue des rangs du Groupement pour la sécurité du président de la République (GSPR) : le service qui l’a protégé lorsqu’il était à l’Elysée. coût estimé : 700 000 euros par an. Ce montant est basé sur un pré-rapport de la Cour des comptes, dévoilé dans la presse en 2010, qui chiffrait à un peu plus de 70 000 euros le coût annuel d’un policier. [] Dans ce pré-rapport, la Cour des comptes s’inquiètait de l’usage abusif de la protection rapprochée. []
Dix agents pour l’ancien président. c’est plus que Jacques Chirac, aujourd’hui protégé par huit gardes du corps (dont deux pour Bernadette). Plus également que Valéry Giscard d’Estaing, suivi par deux agents. Ce nombre serait justifié, selon une source anonyme citée par Paris Match, par le fait que « Nicolas Sarkozy a déjà été agressé et plusieurs fois pris à partie verbalement ».
Entre 100 et 60 personnalités étaient protégées en 2010 selon le pré-rapport de la Cour des comptes. La liste complète est gardée secrète. Entre 650 et 700 policiers travaillent au sein du SPHP pour protéger des hommes politiques, mais aussi des juges d’instruction, des patrons du CAC 40 ou des ambassadeurs. La France assure une protection non-limitée dans le temps à ses anciens ministres de l’Intérieur ainsi qu’aux ministres régaliens.
Le royaume des aveugles
Le Monde.fr du 15/06 : En révélant que l’île de Zante (40 000 habitants, 500 000 visiteurs l’été) comptait neuf fois plus de malvoyants que la normale, le maire de Zante a mis en lumière un système institutionnalisé de corruption, illustrant l’ampleur du clientélisme. L’île, surnommée la « Fleur du Levant », a gagné un nouveau surnom, tout aussi exotique : « l’île des aveugles ». En cause, le nombre anormalement élevé d’aveugles et de malvoyants : 682 personnes recevaient jusqu’Ã 325 euros d’allocation mensuelle. Soit, selon l’Organisation mondiale de la santé, neuf fois plus que la moyenne observée dans les pays développés. « J’ai découvert cette anomalie début 2011, quand la responsabilité de délivrer les allocations est passée de la préfecture à la mairie, explique M. Bozikis. J’ai écrit à Athènes, mais l’administration centrale a traîné des pieds. J’ai craint qu’on ne veuille enterrer l’affaire alors je l’ai rendue publique. »
Les examens de contrôle ordonnés par le ministère de la santé livreront leur verdict à la fin du mois de juin, et seuls une cinquantaine d’aveugles et de malvoyants devraient retrouver leur allocation. Les autres devront rembourser et risquent des peines de prison. Au fil de l’enquête judiciaire et des témoignages se dessine un système bien rodé en place sans doute depuis 1998. Il fallait au requérant deux tampons pour obtenir le versement d’une allocation : celui du seul ophtalmologue de l’île, qui exerçait à l’hôpital public, et celui du préfet - une fonction administrative mais dont le détenteur est élu. Le premier, selon les témoignages, aurait monnayé sa signature entre 500 et 2 000 euros ; le second l’aurait échangée contre les voix des allocataires et de leur famille. Un condensé des maux de la Grèce, où la corruption le dispute au clientélisme. []
Bip-bip et cui -cui sur Twitter
HuffingtonPost du 13/06 : Le verbe « tweeter », orthographié à la française, « twitter », a été élu l’un des deux mots de l’année au 8e Festival du Mot de La Charité-sur-Loire (Nièvre). Alain Rey, président d’honneur de la manifestation, a proposé la traduction française « gazouiller ». Ce verbe représente, expliquait le communiqué, un modèle de communication privilégiant rapidité, brièveté et désir de partage.
« Tweeter » signifie « pépier », c’est-à -dire, d’après le Grand Robert, « pousser de petits cris, en parlant des jeunes oiseaux ». Quant au bruit que fait le jeune oiseau, il est plutôt de l’ordre du cui -cui inarticulé, cri animal poussé par un petit être doué d’un système langagier minimaliste. Ce petit être articule des fréquences aiguë s pour dire que lui aussi, il existe, même s’il n’a pas de mots lexicaux pour le dire.
C’est l’effet qu’a fait le tweet (twit) de Valérie Trierweiler à l’intention de Falorni (candidat PS dissident opposé à ségolène Royal à La Rochelle) : cui -cui n’articulant rien d’autre qu’une pulsion infra-langagière d’impuissance non formulée, voulant nuire à la rivale pourtant déjà bien reléguée à l’arrière-plan de la scène politique. Ce cui -cui malheureux fait aujourd’hui la une des journaux européens, après avoir créé une interférence sentimentale dans le discours important préparé par le président Hollande. Il relève non pas d’un désir de communication à Falorni, ni d’une information sur le mérite de ce dernier, mais d’un besoin intempestif d’exister sur la scène politique et sociale. Le langage, d’après Jakobson, peut avoir plusieurs fonctions, dont deux ne sont pas centrées sur l’objet même du message : la fonction phatique, qui sert simplement à exercer la mise en relation avec l’autre que permet le langage, à créer du lien social, et la fonction expressive, qui exprime une émotion du locuteur plutôt qu’elle ne décrit un état du monde. Le tweet de la « première dame » est phatique et expressif, bip-bip d’alerte signalant que son opinion doit être prise en compte.
Morale de l’histoire : on ne fait pas toujours cui -cui parce qu’on se sent pousser des ailes.