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Ecrit le 15 mai 2013
Revue de presse
LeMonde.fr du 10/05/2013 : les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie ont annoncé de concert, jeudi 9 mai, avoir mis la main sur des données portant sur la création de sociétés offshore, par des entreprises et par des individus, dans les îles Caïmans, les îles Vierges britanniques et les îles Cook, ainsi qu’à Singapour. [] Jamais les États n’avaient accédé à des données d’une telle ampleur. [] Le fait que ces fichiers secrets soient entre les mains d’États, et non plus seulement de journalistes annonce des heures difficiles pour les fraudeurs.
Les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie ont commencé à travailler ensemble, pour remonter jusqu’aux propriétaires réels de ces sociétés offshore, dissimulés derrière des prête-noms. Une coopération d’un genre et d’une importance inédits. Une centaine de propriétaires de ces sociétés auraient déjà été identifiés outre-Manche et seraient sous le coup d’enquêtes, de même que 200 intermédiaires ayant aidé à la création de ces entités. [] Pour le fisc américain, cette coopération nouvelle engagée avec le Royaume-Uni et l’Australie vise un objectif très ambitieux : « Ne laisser nul endroit où aller à ceux qui essaient d’échapper illégalement à l’impôt ».
L’enquête menée conjointement par ces trois grands États, visiblement désireux de prendre la tête du combat contre la fraude fiscale va accentuer la pression sur les territoires et les pays les plus réticents à lever leur secret bancaire, totalement et sans condition, et à coopérer. Comme, jusqu’à présent, dans l’Union européenne, la Suisse, le Luxembourg et l’Autriche...
L’enquête sera suivie de près par les autres pays membres du G20. Pourront-ils accéder à leur tour aux données confidentielles sur les propriétaires des sociétés offshore, afin d’identifier leurs propres résidents ? Les trois pays laissent entendre que cela pourrait être possible...
Ecrit le 15 mai 2013
Tribune publiée dans Libération du 29/04/2013
Éradiquer les paradis fiscaux rendrait la rigueur inutile
Contribution de Thomas Coutrot (Attac), Christophe Delecourt (CGT Finances), Vincent Drezet (Solidaires Finances Publiques), Pierre Khalfa (Fondation Copernic), membres du Collectif pour l’audit citoyen de la dette publique
Jérôme Cahuzac, célébré jusqu’Ã sa chute comme le « moine soldat de la rigueur », était un cynique adepte de l’évasion fiscale. Grand écart dévastateur pour la politique de François Hollande, qui affirme maintenant vouloir désormais « éradiquer les paradis fiscaux ». Cette ambition nouvelle et bienvenue est-elle envisageable sans remettre en cause le rôle prééminent des marchés financiers dans nos sociétés ? A notre avis, non.
L’évasion fiscale n’est pas qu’une « faute morale » (pour citer M. Cahuzac) attribuable à quelques brebis galeuses, ni une simple affaire de « délinquance financière » La moitié du commerce international de biens et services transite aujourd’hui par les paradis fiscaux, il ne s’agit pas de pratiques délictueuses marginales mais d’une logique systémique.. L’éradication des paradis fiscaux et de l’évasion fiscale rebattrait toutes les cartes du jeu économique.
Systémique !
L’essor prodigieux des paradis fiscaux découle directement de la libéralisation des mouvements de capitaux intervenue dans les années 1980. Les valises de billets à la frontière suisse faisaient partie depuis longtemps du folklore national, mais l’affaire a pris dès lors une tout autre dimension. Libres de déplacer d’un clic de souris leurs capitaux d’une place financière à l’autre, les riches particuliers ont rapidement appris à utiliser les services intermédiaires financiers pour « optimiser » la charge fiscale. Les multinationales, elles, ont appris à utiliser leurs réseaux mondiaux pour manipuler les prix de transferts de biens et de services afin de localiser l’essentiel de leurs profits dans des territoires fiscalement bienveillants. C’est ainsi que Google ou Total ne paient quasiment pas d’impôts dans leur pays d’origine.
1000 milliards
Quant aux banques, elles ont multiplié les filiales dans ces mêmes paradis fiscaux pour séduire cette clientèle de particuliers et de firmes transnationales. Les révélations d’Offshore Leaks sur les placements organisés par BNP Paribas et le Crédit Agricole aux Caïmans ou à Singapour ne font que confirmer ce qu’on savait déjà ..
Les ordres de grandeur des sommes ainsi détournées donnent le vertige : la Commission européenne estime que 1000 milliards d’euros échappent ainsi chaque année aux fiscs européens, soit 7% du PIB de l’Union. Cela correspond pour la France, à 140 milliards d’euros par an, deux fois le montant de l’actuel déficit public.
La lutte résolue pour « éradiquer » les paradis fiscaux, qu’a annoncée François Hollande, rendrait donc inutile la poursuite des politiques de restriction budgétaire : même en ne récupérant que la moitié des sommes en jeu, l’équilibre budgétaire serait rétabli
sans sacrifier les retraites, les emplois publics ou les investissements
écologiques d’avenir.
Image : Les paradis fiscaux préférés
des banques françaises (source : CCFD)
Au-delà même des chiffres, l’éradication des paradis fiscaux signifierait l’instauration de nouvelles règles du jeu qui transformeraient radicalement les rapports de force entre la finance et la société. Les propositions de transparence énoncées par M. Hollande : comptabilité par pays, échange automatique d’informations bancaires : pourraient sembler aller dans le bon sens. Mais le renvoi de ces décisions au niveau européen, ou pire encore au G20, risque de les retarder et les délayer fortement. Pour montrer sa détermination la France doit prendre sans tarder des mesures énergiques qui ne pourront que stimuler l’élan européen.
Transparence, rapatriements
Ces règles doivent d’abord, en effet, imposer la transparence des activités : obligation de publier les prix de transfert, les profits et les impôts payés pays par pays par les banques et les transnationales, mais aussi les activités des chambres de compensation, identification automatique des titulaires et des montants des fortunes offshore et des sociétés-écran.
Mais la transparence ne suffit pas. Il faut mettre au ban les paradis fiscaux en interdisant toute transaction financière avec eux et en obligeant les particuliers et les multinationales, françaises pour commencer, à rapatrier les avoirs qu’ils y possèdent. Il s’agit de remettre sous l’empire du droit commun les riches et les grandes entreprises à qui le néolibéralisme a permis de faire sécession vis-Ã -vis du reste de la société.
Contrôle
Enfin, force est de constater que les réformes de l’État menées par les gouvernements successifs sous des sigles divers (RGPP, réate, MAP) n’ont cessé d’amputer les moyens des services publics en charge de la lutte contre les fraudes. Il est temps de rompre avec ces politiques et de donner aux corps de contrôle les moyens humains, budgétaires et juridiques pour sanctionner efficacement les fraudes fiscales mais aussi sociales, économiques, industrielles, environnementales...
Le collectif pour un audit citoyen de la dette publique (audit-citoyen.org) regroupe de nombreuses organisations pour refuser les fausses évidences selon lesquelles l’austérité budgétaire serait un mal nécessaire. La lumière que jette l’actualité sur l’une des origines des déficits publics confirme ô combien ce diagnostic.
Nous pensons le moment venu de
renforcer l’action des mouvements
sociaux et citoyens pour de véritables alternatives à l’austérité, à commencer par cette lutte résolue contre l’évasion fiscale systémique.
Ecrit le 15 mai 2013
Haïr les riches, ou la richesse ?
Dans Alternatives Economiques du 2 mai 2013, Denis Clerc explique le phénomène de la course à la richesse : " la richesse des uns crée de la dislocation sociale au détriment des autres qui, les uns pour pour compenser, la plupart pour montrer qu’ils ne sont pas si bêtes ou demeurés que cela, cherchent à imiter les premiers, mais avec infiniment moins de moyens : le camping car à la place du jet privé, la montre Swatch à la place de la Rolex, la mode H&m à la place de Dior Homme.
Ce désir d’imitation, universel, pousse les uns : les riches : à renouveler sans interruption leurs attributs symboles de réussite, tandis qu’elle pousse les autres à réajuster à la hausse leurs désirs, leurs envies, leurs frustrations. ()
La « noblesse d’argent » ne se contente pas d’afficher les symboles de la réussite et à en faire les critères du bon goût, elle pousse ceux qui n’en font pas partie pas à tenter de s’en approcher. Dans nos sociétés globalement riches, elle est le ressort du « trop n’est jamais assez ».
" La haine que suscitent pour certains les riches n’est en réalité que l’expression de leurs frustrations : pourquoi eux, et pas moi ?
Ce ne sont pas les riches qui sont à haïr : ou à adorer, c’est selon -, mais la richesse, c’est-Ã -dire ce désir infini d’avoir plus pour paraître plus. Nous valons mieux que cela, et les vraies richesses sont en chacun de nous. Dans le rire d’un enfant, le dévouement d’un secouriste, la compassion vis-Ã -vis des victimes, le plaisir d’être ensemble et de partager, le désir d’aimer et d’être aimé ".