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La Bourse ou la Vie
« La Bourse ou la Vie » : un petit livre revigorant de Philippe Labarde et Bernard Maris qui expliquent qu’aux Etats-Unis « l’ ?pargne est devenue n ?gative : les Am ?ricains d ?pensent plus qu’ils ne gagnent. C’est la R ?publique des actionnaires. Les Am ?ricains ach ?tent des actions. Et ils sont tellement persuad ?s que la Bourse va monter qu’ils d ?pensent par anticipation les hausses boursi ?res ? venir, et qu’ils empruntent m ?me pour acqu ?rir des actions. Ce qui explique que beaucoup plus d’ ?pargne fran ?aise parte aux Etats-Unis que l’inverse. Autrement dit, les Fran ?ais pr ?tent aux Am ?ricains pour qu’ils ach ?tent, via les fonds de pension, des entreprises fran ?aises ». C’est ainsi que les Etats-Unis parviennent ? attirer l’ ?pargne du monde entier.Et puis, si le ch ?mage a apparemment diminu ? aux Etats-Unis, la situation des salari ?s n’a pas r ?ellement chang ? : « Population carc ?rale impressionnante (2 % de la population masculine adulte sous les verrous ! On se frotte les yeux !), non-inscrits dans les agences d’emplois, d ?courag ?s de chercher du travail, working poors (= travailleurs pauvres), consultants qui se d ?clarent consultants par honte d’ ?tre ch ?meurs, et travailleurs tr ?s ?pisodiques non recens ?s. Le sous emploi reste pr ?sent ». Le jour de l’ouverture du sommet de Davos, un certain Craig Barrett, PDG d’Intel, d ?clarait dans le H ?rald Tribune que « la peur et la parano ?a » lui paraissaient les caract ?ristiques int ?rioris ?es du salari ? am ?ricain.Alors, un mod ?le, l’Am ?rique ? S ?rement pas ! Et ce n’est pas ? eux qu’il faut emprunter cette id ?e stupide des « stock-options » et autres miroirs aux alouettes tendus par les capitalistes du monde entier : « les stock-options c’est le lien invisible le plus fort qui menace les mains des salari ?s, depuis que la poigne gauche de la main invisible du march ? leur tient la gueule ouverte pendant que la poigne droite leur verse, ? l’entonnoir, des prions, des OGM, des voitures, des heures de pub sur internet, de la t ?l ?, de la pollution etc... ».« Devenez tous actionnaires et ce sera merveilleux » nous dit-on. On apprend ainsi qu’Alcatel, ? grands roulements de tambour, propose 1,8 millions de stock-options pour tous ses salari ?s. Ca fera 3 (trois !) actions par salari ?. A c ?t ? les plus hauts dirigeants recevront 10 000 options, et les cadres dirigeants 1000 options. Trois contre 10 000, c’est toute la « d ?mocratie » de l’actionnariat populaire. Plut ?t que du salaire tout de suite, les « stock-options c’est la possibilit ? de participer aux profits futurs de l’entreprise, s’il y en a, si un artifice comptable ne permet pas de les cacher. Le bon sens populaire disait autrefois » un tiens, vaut mieux que deux tu l’auras « . C’est de plus en plus vrai. Le salari ?, dont la r ?mun ?ration (future !) d ?pend du funambulisme de son patron, n’est plus rien, il n’est qu’une miette dans les hypoth ?tiques profits futurs. Si l’entreprise fait faillite, les salari ?s risquent de tout perdre, emploi et ?pargne . Et c’est ce qu’on veut nous proposer par le biais des » fonds de pension ".
Ecrit le 25 mars 2004 :
Bouff ?s en Bourse
C’est une histoire ? vous d ?go ?ter ? jamais de la Bourse. Tout a commenc ? le 29 juin 2000, quand Michel Bon, alors PDG de France t ?l ?com, a annonc ? en fanfare la mise en Bourse de Wanadoo : « Un million d’actionnaires pour Wanadoo, pourquoi pas ? ». Quinze jours plus tard, l’op ?ration d ?passait tous ses espoirs. 1,6 million d’actionnaires s’ ?taient ru ?s sur le titre, dont 80 000 salari ?s. L’action ?tait introduite ? 19 euros, avant de s’effondrer avec la bulle Internet.
Fid ?lit ? mal r ?compens ?e
Fid ?les malgr ? tout, les petits actionnaires acceptaient de patienter avant de toucher les b ?n ?fices esp ?r ?s. Aujourd’hui, ils d ?chantent. France t ?l ?com veut racheter les actions ? 8,86 ? par action, la moiti ? du prix d’introduction ! Et juste au moment o ? la soci ?t ? renoue avec les b ?n ?fices et s’appr ?te ? distribuer des dividendes.
Sur les forums du site financier Boursorama, on se l ?che : France t ?l ?com est trait ? de « voleur », on parle de « terrorisme financier », de « spoliation » ou de « pratiques mafieuses ».
La col ?re est r ?percut ?e par les journaux financiers. Investir d ?nonce un prix « insuffisant », le Journal des Finances une op ?ration « douloureuse pour le petit porteur ». Colette Neuville, la pr ?sidente de l’Adam (Association de d ?fense des actionnaires minoritaires), s’indigne. M ?me r ?volte chez les professionnels de la Bourse .
Les contestataires estiment que leur combat d ?passe le cas de Wanadoo. « Comment imaginer que les gens vont r ?pondre aux prochaines introductions en Bourse, quand ils peuvent ?tre expropri ?s comme aujourd’hui ? ». Ben oui, c’est ?a la Bourse. Les gros grossissent et les petits perdent.
La bourse ou l’emploi
Mais France Telecom ne risque pas de faire une ob ?sit ? salariale : pendant la seule ann ?e 2003, l’entreprise a perdu 16 000 emplois « hors effet de p ?rim ?tre ». La formule est jolie et masque le fait que, dans les filiales que France Telecom a revendues, il y a eu 9000 suppressions d’emplois.
16000 + 9000 = 25 000 !
On nous dit que, sur ces 25 000, certains salari ?s sont partis en retraite. En attendant, ce sont 25 000 actifs qui n’ont pas trouv ? d’embauche. Sans compter les milliers de contrats ? dur ?e d ?termin ?e qui n’ont pas ?t ? renouvel ?s.
Moins d’actifs, plus de retrait ?s. Le gouvernement ose culpabiliser les retrait ?s, laissant entendre qu’ils co ?tent trop cher !
Ah ! une pr ?cision pour ceux qui utilisent Internet : dans les centres d’appels de Wanadoo (filiale de France Telecom), 54 % des salari ?s ont fait gr ?ve le jeudi 11 mars « contre la suppression d’effectifs et la d ?gradation des conditions de travail ».
Les internautes, eux, constatent la d ?gradation des conditions d’utilisation : d ?connexions fr ?quentes, services non rendus, etc...
On ne peut pas ? la fois satisfaire les actionnaires,
les salari ?s et les clients.
Ecrit en mars 2000 :
Cadeaux empoisonn ?s
On vous l’a d ?j ?? dit : les stocks-options, c’est du vent. Ce ne sont pas des actions, c’est juste le droit donn ? ? un employ ? d’acheter des actions ? un prix donn ?, pass ? un certain d ?lai. Prenons un exemple :
Monsieur ou Madame X, a le droit d’acheter, dans cinq ans, une action de l’entreprise Y, au prix de 100 F.
– si dans 5 ans, l’action de l’entreprise vaut 250 F, Monsieur ou Madame X, en la revendant gagnera 150 F (moins les frais).
– mais si l’action a chut ? en Bourse, il n’y aura plus que du papier sans valeur.
Depuis quelques temps on nous bassine les oreilles avec ces fameuses stock-options que certains voudraient distribuer ? tous les salari ?s d’une entreprise. Si c’est en plus d’un salaire confortable, pourquoi pas. Mais si c’est ? la place d’une partie du salaire : casse cou ! C’est ce qui se produit en ce moment o ? la Bourse et sp ?cialement les valeurs de la « nouvelle ?conomie » ne sont pas bien ronflantes, et le m ?canisme des stock-options commence ? avoir des rat ?s. Au point que les dirigeants des grandes entreprises commencent ? revendiquer des esp ?ces sonnantes et tr ?buchantes mais bien actuelles, tandis qu’un certain nombre de salari ?s sont mis ? la porte de leur entreprise avec des stock-options qui n’ont plus gu ?re de valeur !
Aux USA un journal donne un bon conseil ? ses lecteurs : « n’effectuez aucun achat fond ? sur vos attentes en mati ?re de richesse future ». C’est ce que le bon sens populaire traduit en une maxime « Un bon Tiens vaut mieux que deux Tu l’auras » .Le fabuliste Jean de la Fontaine disait, lui, « il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tu ? ».
Ecrit en novembre 2000 :
Cela fait des ann ?es que les Fran ?ais entendent parler de « retraite par r ?partition » et de « retraite par capitalisation ».
La retraite par r ?partition c’est ceci : je verse une cotisation chaque mois sur mon salaire. Cette cotisation sert ? verser une pension ? ceux qui sont actuellement en retraite. Je cotise ainsi pour la retraite des autres.
La retraite par capitalisation, c’est ceci : je mets de l’argent de c ?t ? tous les mois, il me reviendra comme compl ?ment de retraite plus tard. Je cotise ainsi pour moi-m ?me.
Les financiers, et surtout les patrons, plaident pour cette retraite par capitalisation. Mais voici la m ?saventure qui vient d’arriver ? un castelbriantais qui cotise d ?j ?? depuis 16 ans ? la « Mutuelle retraite de la fonction publique ». Il a re ?u une lettre, le 6 novembre 2000, lui disant que la directive europ ?enne sur l’assurance, transpos ?e dans le droit fran ?ais, oblige ? une r ?forme du code de la mutualit ? et que, de ce fait, « votre compl ?ment retraite annuel en 2001 est estim ? ? 14 720 F au lieu de 17 660 F »
Ecrit le 23 f ?vrier 2005 :
Catastrophe en Bourse
La Bourse, vous vous en moquez, vu que vous n’avez pas d’argent ? y jouer. Il se passe pourtant, en ce moment, un ph ?nom ?ne inqui ?tant : la Bourse ne finance plus les entreprises
En 2004, les soci ?t ?s europ ?ennes ont davantage revers ? d’argent ? leurs actionnaires qu’elles n’ont lev ? de capitaux.
Les march ?s participent-ils encore au financement de l’ ?conomie r ?elle ? Alors qu’ils ont retrouv ? leurs marges de manœuvre, des groupes industriels d ?cident de SE PASSER D’EUX. En 2004, 47 entreprises sont entr ?es ? la Bourse de Paris, mais 46 en ont ?t ? radi ?es. Les investisseurs, surtout institutionnels, pr ?f ?rent les OBLIGATIONS aux actions, tandis que les fonds d’investissement priv ?s RENONCENT de plus en plus ? mettre leurs actifs en Bourse.
Un tel comportement n’est pas sans cons ?quence pour l’ ?conomie : " Les march ?s n’assurent plus le financement de la croissance, mais uniquement celui des d ?ficits
des Etats ", s’inqui ?te l’ ?conomiste Patrick
Artus. « La r ?alit ? est encore plus d ?favorable qu’il n’y para ?t, explique Daniel Fermon, strat ?giste sur les march ?s d’actions ? la Soci ?t ? g ?n ?rale. L’essentiel des lev ?es de capitaux est li ? ? la poursuite des privatisations en Europe. Les Etats ont mis sur le march ? des participations importantes comme Enel (7,6 milliards d’euros), France t ?l ?com (5,1 milliards), la Snecma (1,3 milliard). Les op ?rations priv ?es, elles, ont ?t ? tr ?s limit ?es. »
« ? Nous assistons ? une d ?formation jamais vue. Ce sont les entreprises d ?sormais qui d ?tiennent l’ ?pargne face ? des m ?nages et ? des Etats de plus en plus endett ?s. » dit Christine Rives-Flores, chef ?conomiste Soci ?t ? G ?n ?rale.
Nous ne sommes plus dans le cercle traditionnel : les profits d’aujourd’hui financent les investissements de demain. « Le capitalisme actuel est un capitalisme de rente dans lequel les revenus de patrimoine et la rente obligataire priment sur les revenus du travail et les actions ? ».On peut craindre de plus en plus pour l’emploi.