Ecrit le 29 janvier 2014.
Il y a 120 ans, l’assistance médicale à domicile
En France, les premiers hôpitaux n’étaient pas destinés aux malades mais à l’hébergement des pauvres. La notion centrale y est la gratuité. Au XVIIe siècle, la pauvreté devient un problème politique et l’Etat s’en empare. Sont alors créés des hôpitaux pour « recueillir » les sans logis, les mendiants, les exclusCe sont essentiellement des lieux d’enfermement. Les révolutionnaires de 1789 voyaient donc l’hôpital comme la pire des institutions de l’ancien régime. Souhaitant un grand système d’assistance généralisée, ils ont opté pour un système décentralisé dans lequel l’hôpital est rattaché à la commune (loi du 16 octobre 1796).
A partir de la moitié du XIXe siècle, la législation va s’attacher à transformer l’hôpital en renforçant sa mission médicale. La loi du 7 août 1851 dite « d’assistance publique » pose les prémices du service public hospitalier actuel en énonçant « lorsqu’un individu privé de ressources tombe malade dans une commune, aucune condition de domicile ne peut être exigée pour son admission à l’hôpital existant dans la commune ».
L.a loi du 15 juillet 1893 porte sur l’assistance médicale gratuite à domicile. L’article premier de cette loi dit : « Tout Français malade, privé de ressources, reçoit gratuitement de la commune, du département ou de l’État suivant son domicile de secours, l’assistance médicale à domicile, ou s’il y a impossibilité de le soigner utilement à domicile, dans un lieu hospitalier. Les femmes en couche sont assimilées à des malades. Les étrangers malades, privés de ressources, seront assimilés aux Français toutes les fois que le Gouvernement aura passé un traité d’assistance réciproque avec leur nation d’origine. »
A cette époque, la Loire-Inférieure comporte 645 263 habitants et 12 905 malades, dont 11 615 malades à secourir à domicile. Les dépenses sont évaluées en moyenne à 7 fr par malade, ce qui représente 81 305 fr.
Dans ce département, 16 communes (220 000 habitants), bénéficient déjà de l’hospitalisation gratuite en vertu de la loi du 7 août 1851. Elles peuvent disposer de 1128 lits dont 873 pour la population urbaine et 255 pour la population rurale. C’est à dire :
- â–º 1 lit pour 206 malades en zone urbaine
- â–º 1 lit pour 1824 malades en zone rurale
voir le petit manuel de l’assistance
publique
Châteaubriant, nous sommes au 18 septembre 1894, le maire M. Barbotin est absent, le conseil municipal se réunit sans lui et débat d’une circulaire du préfet de Loire-Inférieure concernant l’application de la loi du 15 juillet 1893.
Le Conseil Municipal explique :
Les indigents castelbriantais secourus ont la faculté de s’adresser à celui des médecins et pharmaciens qui leur convient de choisir.
750 indigents
Lorsqu’ils sont malades, il faut prendre deux bons au secrétariat de la mairie. Le secrétaire vérifie l’inscription de l’indigent sur la liste déposée à la mairie et lui délivre un bon qu’il détache d’un registre à souches. Ce bon porte un numéro d’ordre, la date de la délivrance, le nom et le domicile de l’indigent. Le bon est divisé en deux parties. Le médecin en détache une et formule ses prescriptions sur l’autre qu’il remet à l’impétrans.
Pour bénéficier de la gratuité, les indigents doivent remplir les conditions suivantes sur lesquelles le Conseil Municipal et le Bureau de Bienfaisance se sont mis d’accord :
- - Justifier d’un minimum de 18 mois de séjour non-interrompu dans la commune.
- - Avoir au moins 60 ans d’âge
- - Ou deux enfants au dessous de 10 ans
- - Ou un enfant atteint d’une maladie incurable
- - ou quelque infirmité grave dûment constatée.
Et le Conseil Municipal poursuit : la liste des indigents a été révisée avec le plus grand soin en se conformant aux conditions ci-dessus. Le nombre des indigents inscrits est actuellement de 750, représentant 50 % des malades soignés à domicile.
Photo : journal de la mine - 1906
Tous les ans, avant le 15 janvier, les médecins et pharmaciens présentent leurs comptes à la mairie et remettent à l’appui les bons qu’ils ont conservés.
vérification faite, une somme de 800 fr, prélevée sur les ressources ordinaires du budget communal, est répartie entre les médecins au prorata du nombre de visites faites par chacun.
Le dévouement désintéressé des médecins
Les médicaments sont évalués aux prix et conditions du tarif de l’assistance médicale et pharmaceutique de la Loire-Inférieure et payés au moyen de la subvention départementale de 500 fr. Le surplus est fourni par le Bureau de Benfaisance.
En outre, une somme de 200 fr est payée aux sage-femmes sur le budget de la commune, proportionnellement au nombre d’accouchements faits par chacune d’elles. La proportion est établie au moyen d’un état nominatif qu’elles fournissent avant le 15 janvier de chaque année. La rémunération pour chaque accouchement est environ 6 fr.
La moyenne de la rémunération de chaque visite du médecin pour les années 1891-1892-1893 est de 0,2798 fr. La moyenne du nombre de visites est de 2545 par an. Cette rémunération est évidemment dérisoire et l’on ne doit la continuation du service qu’au dévouement désintéressé des médecins de Châteaubriant.
[Ndlr : 2545 visites par an, aux indigents, cela représente environ 8 visites par jour. Au tarif de 0,2798 cela fait une rémunération de 712 fr par an. Par comparaison, au budget de 1894, le salaire annuel du cantonnier était de 630 fr, celui du commissaire de police était de 1800 fr]
Alors le Conseil Municipal, à l’unanimité, demande l’adhésion de la commune de Châteaubriant au service d’assistance médicale et pharmaceutique organisé par le Conseil Général et suggère qu’il soit pris pour base la liste rectifiée des indigents, « qui comporte actuellement 750 noms ».
Mais il se demande si cela pourra se faire. « Subsidiairement, et en cas de refus par le Conseil Général d’admettre la commune de Châteaubriant au bénéfice de cette organisation, le Conseil municipal souhaite ’’conserver la système actuel d’assistance’’ », en demandant l’augmentation de la subvention accordée par le Conseil Général, « vu les conditions exceptionnelles de la population de Châteaubriant, qui comporte un nombre considérable d’indigents ».
[Ndlr : la liste des indigents a été révisée en février 1894. Avant cette date, elle comportait 1333 noms, deux fois supérieur à celui qui existait dans les communes de Loire-Inférieure où il était le plus élevé].
Un marché du terroir le dimanche
26 mai 1894 : le Conseil Municipal de Châteaubriant crée un « marché des producteurs » pour les habitants de la commune dont une grande partie ne peut se procurer que très difficilement dans les conditions actuelles, les objets de consommation journalière indispensables dans un ménage. Ce marché aura lieu le dimanche matin de chaque semaine, sur la place de l’hôtel de ville et, en cas de mauvais temps, sous les halles, de 6h du matin à midi.
[Ndlr : Comme quoi, il n’y a rien de nouveau sous le soleil !]