Ecrit le 11 juin 2014.
Comme dit notre ami Borgone : « La nouvelle carte des régions de France donne à penser que François Hollande a reçu une boîte de crayons de couleur pour Noë l ». A part ça, c’est le grand flou : les décisions sont fluctuantes, les raisons de rapprocher telle ou telle ’’Région’’ ne sont pas claires, tout semble se décider à Paris, en comité restreint sans même tenir compte de l’histoire ou des réalités actuelles du terrain. L’exemple le plus flagrant est celui de la région ’’Pays de Loire’’.
Poitou, pas Poitou ?
Le 20 mai, Jacques Auxiette (président de la Région des Pays de la Loire ), ségolène Royal, ministre de l’Écologie et Jean-François Macaire, président de la Région Poitou-Charentes, se sont rencontrés pour étudier l’hypothèse d’une fusion de leurs deux régions. « Pour ma part, je considère cette perspective assez favorablement, y compris et surtout en associant la Bretagne. L’Ouest Atlantique est une réalité. Nos trois régions coopèrent déjà dans de nombreux domaines. » disait J. Auxiette en écrivant aux élus de la région : « La perspective d’une fusion avec la Bretagne est indubitablement attendue par une majorité d’entre vous ».
Le 2 juin, à l’heure où se réunissait le comité régional de suivi de la réforme territoriale, le président de la République a appelé Jacques Auxiette pour lui faire part des hypothèses de fusion des Régions à l’étude. J. Auxiette raconte : « le président de la République m’a fait part de la volonté de nos voisins bretons de rester à quatre départements, et a évoqué d’au-tres hypothèses. Je lui ai redit l’opposition des acteurs régionaux à une fusion avec la Région Centre ». Concernant une éventuelle fusion avec Poitou-Charentes, Jacques Auxiette a rappelé au président de la République ’’qu’elle n’aurait de sens que si elle s’inscrit dans un ensemble plus vaste, associant la Bretagne’’.
Aussitôt, le groupe EELV (Europe-Ecologie-Les-Verts) déclare : " c’est avec stupéfaction que nous apprenons la proposition faite par le président de la République de fusionner les régions administratives des Pays de la Loire et de Poitou Charentes. Cette proposition ne s’appuie sur aucune cohérence territoriale et réalité de coopération entre ces deux régions. Si cela se confirmait, ce serait un projet totalement artificiel, un non-sens économique et culturel, un déni démocratique : la pire des réponses aux messages des électeurs français lors des deux derniers scrutins.
Nous constatons avec atterrement que ce sont les postures politiciennes qui ont dicté ce redécoupage administratif baroque (...). Pourtant, nous avions exprimé maintes fois notre crainte de voir cette réforme capitale pour nos territoires vidée de son sens par des incohérences politiques. Nous avions prévenu que la forme ne devait pas éclipser le fond. Avec une telle décision, ce serait chose faite. (...)
Nous réaffirmons la nécessité d’une autre méthode, fondée d’abord sur le projet et sur l’adhésion choisie des territoires à une région administrative, qui doit être d’abord la volonté d’un vouloir-vivre ensemble ".
Bretagne ou non ?
Les Bretons veulent-ils vraiment rester à quatre départements ? Jean-Yves Le Drian ancien président de la région Bretagne et le député Jean-Jacques Urvoas veulent en effet garder une Bretagne « autonome » (Ã 4 départements comme maintenant). A tel point que le ministre de la défense aurait même mis en balance sa participation au gouvernement. En revanche, les maires de Brest, Nantes, Rennes et Saint-Nazaire sont favorables (et le disent, ensemble) à la fusion Bretagne-Pays de Loire.
Statu quo !
Toujours le 2 juin, mais quelques heures plus tard, il est annoncé que la Région Pays de Loire restera telle qu’elle est. Jacques Auxiette, se félicite tout d’abord que l’unité des Pays de la Loire ait été préservée ; il rappelle que toutes les cartes présentées il y a trois semaines prévoyaient le démantèlement de la Région. « Après de multiples tergiversations, c’est finalement une solution raisonnable qui est retenue car elle préserve intacte toutes les possibilités de coopération avec les régions voisines » souligne Jacques Auxiette en estimant que : « avec 3,6 millions d’habitants, les Pays de Loire étaient et restent une région importante, capable de rivaliser économiquement à l’échelle européenne ».
Bref, on ne touche ni aux Pays de Loire ni à la Bretagne.
Le collectif 44=Breiz commente : « Alors que François Hollande voulait faire de cette réforme le témoignage de sa capacité d’action, il perd toute crédibilité dans un des derniers territoires qui accordait encore quelque influence électorale au PS. C’est le règne dévoilé des barons locaux où, à la cour de l’Élysée, celui qui use des plus sombres tours pour préserver son domaine se voit récompensé. »
Le 3 juin, l’Institut Culturel de Bretagne et Bretagne Réunie communiquent : « Les Bretonnes et les Bretons s’inquiètent des marchandages politiques autour de la Loire-Atlantique, entretenus par ceux qui essaient par tous les moyens et sous des prétextes de plus en plus fallacieux d’empêcher la réunification des cinq départements bretons ». [Ndlr : C’est donc une claire prise de position pour le démantèlement de la Région Pays de Loire et le rattachement de la seule Loire-Atlantique à la Bretagne Historique dont elle faisait partie avant le décret pétain de 1941]
Le communiqué poursuit : " Les citoyens ont le sentiment de devenir des objets entre les mains de quelques élus qui s’arrogent le droit de s’échanger des territoires, alors qu’ils n’ont jamais été mandatés pour le faire.
La Bretagne dans ses frontières historiques, conformément au droit communautaire peut bénéficier des normes et valeurs défendues par l’Union européenne, notamment par le biais de la Commission européenne, pour rappeler à l’Etat Français ses obligations en matière de défense et de protection des entités historiques et culturelles, sources de cohésion sociale et de plus values économiques.
Alors que tous les Etats modernes de l’Union européenne se sont réformés pour respecter leurs propres minorités nationales, il est plus que surprenant qu’un état fondateur se dispense de respecter le droit et les valeurs fondamentales figurant dans le traité de Lisbonne, tout en demandant aux autres de le faire. (Voir le discours du 13 mai dernier du président de la République aux Ukrainiens leur demandant de réformer leur constitution pour y intégrer les droits des minorités.).
Toutes les institutions européennes et organisations internationales vont être alertées et sollicitées pour soutenir la réunification administrative de la Bretagne, afin qu’elles puissent rappeler à l’Etat Français ses obligations et ses engagements en tant que membre de celles-ci. ".
Le 5 juin Philippe Grosvalet lance une pétition sur internet pour une « grande région Bretagne Pays de Loire »
Le 6 juin, Marc Le Fur, député UMP (Côtes d’Armor), Patrick Mareschal, ancien président PS du Conseil Général de la Loire-Atlantique et Christian Troadec, maire DVG de Carhaix et leader des Bonnets Rouges, plaident aussi pour une Bretagne à 5 départements avec le retour de la Loire-Atlantique afin de retrouver la Bretagne historique, et prévoient, pour le 18 juin, le rassemblement à l’Assemblée nationale d’un maximum d’élus favorables à une Bretagne à 5 départements
Dans tout cela, on ne demande pas l’avis des citoyens ! Le 28 juin, le collectif 44=BREIZH organise à Nantes une manifestation pour demander au Conseil Général de Loire-Atlantique d’organiser, dans ce département, un référendum sur le redécoupage régional.
Ecrit le 25 juin 2014
Réforme territoriale
La colère de M. Grosvalet
Suite à la présentation du projet de loi de réforme territoriale en conseil des ministres du 18 juin, Philippe Grosvalet, président du département de Loire-Atlantique, exprime sa déception et son inquiétude « Nos institutions politiques et administratives sont à bout de souffle. Il faut nous moderniser et nous y sommes prêts, mais le projet du Gouvernement passe à côté des vrais enjeux. Il éloigne les citoyens de leurs élus et organise des administrations tentaculaires. Pour que cette réforme ne soit pas un énième coup d’épée dans l’eau, il fallait commencer par le commencement : le rôle de l’État dans les territoires. Vouloir une décentralisation ambitieuse, ce n’ est pas souhaiter son recul. c’est clarifier les missions de toutes nos institutions pour que chacun puisse comprendre ’’qui fait quoi et avec quelles ressources’’. Alors que nos concitoyens attendent que nous soyons entièrement tournés vers la sortie de crise, nous allons perdre 5 ans à stabiliser un système dont personne ne peut nous garantir l’efficacité et qui ne sera pas source d’économies ».
Le département de Loire-Atlantique investit tous les ans 230 millions d’euros dans l’économie locale ; il ne le fera plus demain. Lorsque toutes les collectivités publiques, asphyxiés financièrement, cesseront leurs investissements, c’est tout un pan de l’économie qui va reculer. « En relançant le débat sur la décentralisation, le gouvernement avait choisi l’offensive. Je le souhaitais depuis longtemps. Il lui restait à choisir le courage pour proposer un projet cohérent et ambitieux, loin des intérêts singuliers et des lobbys particuliers. Mais malheureusement, lorsqu’on est incapable de choisir, on subit les choix d’autrui. La chance historique se transforme en rendez-vous manqué et l’ambition pour la France en mépris pour les territoires ».
« J’ai toujours milité pour des régions fortes. Elles doivent êtres tournées vers l’Europe et l’innovation. Au lieu d’affirmer leur rôle stratégique, le projet prévoit de les engluer dans la gestion d’une administration toujours plus grosse. Avec cette reforme, nous créerons donc un système perdant-perdant, perdant pour les régions, perdant pour les citoyens. Qui peut croire que l’entretien des routes, s’il est essentiel pour nos concitoyens, apportera un rayonnement international à nos régions ? Qui pense que c’est avec la gestion des collèges que nous créerons du développement économique et de l’emploi ? Nous voulons renforcer les Régions, confions leur les grands ports maritimes plutôt que les ports de pêche. Confions-leur la gestion des grands aéroports plutôt que des petits aérodromes. Confions-leur la gestion de pôle emploi et des universités pour assurer une vision cohérente de la formation et du développement économique sur nos territoires. Par manque d’ambition ou par manque de vision, cette réforme risque d’empêcher les Régions de devenir des acteurs majeurs du redressement de la France. Je suis favorable aux transferts et à la mutualisation de certaines actions entre les collectivités et notamment avec les métropoles. Mais cela ne peut se faire au détriment du service public que nous rendons aux citoyens ».
Le département est un maillon essentiel dans la cohésion de nos territoires. Il agit dans la proximité tout en garantissant une vision cohérente du territoire. En limitant l’action publique à des « super régions » et aux intercommunalités, quelle que soit leur taille, nous allons segmenter les territoires, confiner les riches et reléguer les pauvres.
« c’est désormais aux parlementaires de se saisir du projet de loi. Je sais qu’ils auront à cœur de défendre les services publics du Conseil Général. Je suis prêt à participer à de grandes réformes structurelles qui préparent durablement l’avenir mais si la réforme n’évolue pas, personne ne pourra garantir l’égalité des territoires ».
Ph .Grosvalet