Ecrit le 5 novembre 2008
Le tocsin de la moisson
Par un brûlant après-midi, le 1er août de l’an de disgrâce de 1914, vers 16 h, les paysans bretons dans les champs interrompent brusquement la moisson en entendant sonner le tocsin au clocher de leur village. c’est la guerre entre la France et l’allemagne parce qu’un étudiant bosniaque a assassiné un archiduc d’Autriche.
Les paysans ne cherchent pas à comprendre. On leur a appris que « les Boches » sont des barbares qui s’apprêtent à venir égorger leurs fils et leurs compagnes. Cela leur suffit, ils vont faire voir à ces barbares comment savent se battre des soldats bretons. Et c’est la fleur au fusil et en chantant qu’ils montent au Front, persuadés qu’en peu de temps, ce sera une affaire réglée.
Jaurès, homme politique - pacifiste et humaniste - tenta bien, avec les militants pacifistes allemands, d’empêcher ce conflit. Mais il s’attira l’hostilité des milieux nationalistes. Le 31 juillet on l’avait assassiné.
Roger Laouenan, dans son livre « Le tocsin de la mémoire » écrit : « A Derval la mobilisation s’est faite avec un entrain et un élan remarquables Tous nos soldats s’arrachant des bras maternels sont partis en chantant. Pères, mères, frères, soeurs et amis les accompagnaient à la gare. Tous pleuraient, mais eux ne se retournaient pas vers ceux qu’ils aimaient tant. A Berlin ! Courage nous reviendrons bientôt, criaient-ils. Tous partirent pleins d’espoir pour sauver la Patrie en danger. »
Mais tout le monde ne partageait pas la liesse générale, le curé écrit en substance : « Quel coup de foudre, quelle terreur partout » et d’évoquer « un péril nous menace plus redoutable que jamais ».
Ils sont partis la fleur au fusil mais ce fut pour un long et terrible conflit. Quand retentit le clairon de l’armistice la France compte 1 393 000 morts, près de trois millions de blessés dont 74 000 mutilés.
Qui peut mesurer la souffrance morale endurée par tous ces jeunes hommes durant ces quatre et longues années de guerre ?
Qui peut mesurer leurs conditions de vie : pour manger, dormir, ne pouvoir se laver ; la pluie et la boue des tranchées, la froideur de l’hiver !
Qui peut mesurer la souffrance morale et physique de tous ces mutilés : estropiés, borgnes, trépanés, gazés ou poitrinaires !
Qui peut mesurer l’angoisse de ces « Poilus » allant au combat. L’angoisse d’être surpris par une attaque à la baïonnette, l’angoisse d’une mort cruelle, d’agoniser sans la présence d’un être cher !
Qui peut mesurer l’angoisse permanente des épouses et des mères, de voir arriver ceux chargés de la fatale nouvelle : le curé et le maire !
Qui peut mesurer la somme de travail, ô combien pénible, que toutes ces femmes, ces enfants, ces personnes âgées ont dû assumer tout au long de cette guerre ?
Qui peut mesurer le courage et la souffrance de toutes ces veuves dont, pour beaucoup, la vie a été brisée ; et celle de tous ces orphelins à jamais privés de père !
Cette guerre devait être la « der des ders » . Pourtant, 21 ans plus tard le monde entrait dans une seconde guerre mondiale et de nouveaux noms sont venus s’ajouter aux Monuments aux Morts.
Souvenons-nous de tous ceux qui ont laissé leur vie pour la défense de la Patrie. n’oublions pas que la paix est fragile, et que, si depuis 60 ans, nous vivons en paix sur notre territoire, nous le devons à des hommes lucides et courageux qui, de part et d’autre des frontières, ont su se tendre la main et jeter les bases d’une union européenne.
1917-1918 : de guerre las
En trois salves (18 octobre, 30 octobre, 8 novembre), l’Office de Tourisme de Châteaubriant a présenté les lettres collectées auprès des familles de Poilus de Châteaubriant et des environs. Pauvres lettres où l’on remercie des bonbons reçus, et des grands caleçons, où l’on se plaint - un peu- du mauvais temps, du froid, de la boue des tranchées, des obus qui sifflent, mutilent et tuent. Les Poilus, en réalité, évitent de se plaindre de trop, d’inquiéter leur famille.
Dans ces lettres on ne trouve nulle trace des révoltes et mutineries de 1917. n’ont-elles pas touché des gars de chez nous ? - ou bien sont-elles encore objets de honte ? Il est vrai que le courrier était censuré
c’est l’horreur pourtant, et Marcel Deshaies, d’Issé, lâche à ses parents, le 30 avril 1918 : « Pour la troisième fois depuis 5 jours, nous allons attaquer ce soir. Et nous avons été attaqués deux fois nous-mêmes. La vie que nous menons est impossible à décrire tellement c’est épouvantable. J’espère m’en tirer encore. Il y a beaucoup de morts et de blessés ». Mais ce jeune homme mourra le 22 juillet 1918.
Alfred Hamon, de Châteaubriant, écrit à son frère « Pour moi ça va toujours bien quoique nous sommes bien fatigués car depuis que nous sommes arrivés par ici nous avons fait du bon boulot. Les Boches se débinent en vitesse mais je ne sais s’ils vont aller bien loin ». Alfred Hamon reviendra vivant de la Grande Guerre mais, gazé dans les tranchées, il décédera en 1922, des suites de la guerre.
Louis Roul, de Moisdon, écrit à son filleul le 19 septembre 1918 : « Ce soir on va aller mettre des fils de fer dans les tranchées. On va aller toutes les 3 nuits, on part le soir et on revient le lendemain matin ». Louis mourra le 6 octobre 1918.
André Chevalier, de Noyal, note dans son carnet de route : 6 octobre : après les heureux jours de paix avec la Bulgarie, des bruits d’armistice avec La Turquie s’annoncent dès le matin du dimanche 6 octobre. Après la messe on apprend officiellement une demande d’armistice générale de la part de tous nos ennemis. L’enthousiasme est général. l’attente des autres nouvelles est impatiente. Après midi musique et promenade à Grand Fresnoy. — 13 octobre : Dimanche messe très simple. Les bruits de pourparlers de paix continuent. Alerte et préparatifs pour le départ vers 18 h —16 octobre : Pluie, repos, réponse du président Wilson à l’allemagne seule : NON — 23 octobre : marche de 22 km dans un terrain boueux et fatigant. On passe dans la ligne Hindenburg « ” cantonnement à Fressancourt à 3 km de Tère. Beau temps »” installation dans une grande ferme entretenue (12 km du front) — 26 octobre 3 h, départ pour une offensive « ” brouillard »” fatigue. Cantonnement au pied d’un talus « ” offensive ratée »” nuit très froide — 27 octobre
Les Boches ont abandonné le terrain de bonne heure nous les poursuivons. Avance de 10 km. Nuit en plein champ « ” pluie »” 29 octobre : Beau temps toujours dans l’attente près des petits trains boches capturés et pleins de matériel. Marmitage. Le soir alerte pour une attaque. Nuit mouvementée — 30 octobre 6 h attaque sans succès « ” violent tir de barrage boche »” nids de mitrailleuses — 4 novembre. Violent tir de barrage au petit jour. Mes 3 camarades sont tués par un obus. — 5 novembre : Les Boches ont quitté dans la nuit. Nous les poursuivons « ”pluie toute la journée. Nous sommes trempés »” vrai martyre.
11 novembre 1918 : 6h15 : l’armistice est signé. Grande joie partout.
Ecrit le 4 novembre 2009
Ils ne seront plus des soldats inconnus
Après l’intéressante recherche conduite par l’office de tourisme de Châteaubriant, en 2008, sur ces jeunes qui avaient « 20 ans en 1914 », un livre a été édité relatant la vie quotidienne de ces « Poilus » qui combattaient « Pour l’Humanité, pour la Patrie », engagés dans ce qui reste encore « La Grande Guerre » : des photos, de nombreux témoignages émouvants inédits et un annuaire des 236 soldats inscrits au Monument aux Morts de Châteaubriant avec leur date de naissance, les adresse et profession. Sans oublier les morts des communes voisines : Rougé, Soudan, Ruffigné, etc préfaces de Alain Hunault, Yves Cosson et Yves Billard.
Un document remarquable, en vente 30 € à l’Office de Tourisme .
02 40 28 20 90
Le discours du 11 novembre 2008 :