Ecrit le 25 mars 2015
Claude Serreau, de tendresse et d’émotion
Pour la fête des Bibliothèques, Fercé avait invité Claude Serreau, poète, ancien instituteur de la commune dans les années 1954-57. Le jeune homme était fiancé à Anne-Marie, institutrice au Petit Auverné. Pas de voiture à l’époque, mais 60 km aller-retour à vélo ne pouvaient mettre en échec la jeunesse et l’amour
Claude Serreau raconte, avec humanité, tendresse et émotion la vie, la joie des ’’petites gens’’ : « L’infirme qui traînait la jambe jusqu’au camion du cocassier, si on lui demandait : c’est pour acheter ou pour vendre, haussait une épaule difforme et clignait sa paupière borgne sans répondre. Il venait se chauffer à la beauté du monde étalée dans la voiture jaune qui puait le hareng fumé. Son plaisir, c’était de contempler les boîtes de conserves, de se frotter à la verve des métayers qui gourmandaient leurs chiens et plaisantaient sa bosse. Il riait de toutes ses gencives tuméfiées. Une fois par semaine pour lui la vie avait un sens et marcher retrouvait une égale importance. Même de ses béquilles il tirait de la joie. Cinq kilomètres de glaises et de bois s’anéantissaient quand, à l’aplomb de la mare et des gosses, la boutique éclatait de parfums épiciers qui le laissaient hilare ».
Viscéralement attaché aux pays de l’Ouest qui ont influencé ses textes, Claude Serreau n’oublie pas ce qu’il doit à René Guy Cadou, Eugène Guillevic et d’autres qui incarnent, pour lui, la Poésie.
A l’insecte crissant
qui ne reconnaît plus
son ombre
je laisse l’herbe
secourable.
A la source cachée
qui voudrait de nouveau
jaillir
j’offre le regard
blanc de l’aube.
A la voie ferrée rageuse
qui cisaille les prés
la pierre
j’accorde l’oreille
et les chants.
Mais à la vie blessée
qui m’étourdit et me
déroute
j’apporte le visage
de toujours.
L’espoir est le soleil du doute
Claude Serreau
Tous les gens de chez moi
sont d’anciennes besognes
de travaux sans éclat
de passage oublié
humbles parmi les humbles
tous aux bêtes liés
même dans les départs
de terres incertaines.
Ils ne se sont assis
qu’au bas bout de la table
écoutant malicieux le ciel
et les diatribes d’espace
vent forêts rêves jamais sevrés
Les villes ont figé leurs pousses végétales.
Source : le recueil ’’Raisons élémentaires’’ (Ed.Sac à mots) et bien d’autres recueils de poèmes où chantent les mots-images.
Haïku
Ce même 7 mars, Elisabeth Catala invitait les visiteurs à jouer avec les mots en faisant des haïkus. Le haïku est un ’’amusement’’, un petit poème bref, d’origine japonaise, très codifié : trois lignes de 5-7-5 syllabes, jouant plus sur les sons que sur les mots. On ne décrit pas, on évoque. Un souvenir, une émotion, la musique des mots.
« Les grands souffles de vent qui bousculent la vie tiennent parfois à si peu de lumière, qu’on questionne des mains les lentes cicatrices laissées auprès des villes par les vergers déchus » (Claude Serreau) peut donner naissance à un haïku :
Vent, vie bousculée
Lentes cicatrices des villes,
Les vergers déchus...