Ecrit le 1er mars 2017
Les perturbateurs endocriniens (PE) sont des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle, étrangères à l’organisme, qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire ainsi des effets délétères sur cet organisme ou sur ses descendants. c’est ce que dit l’Office Mondial de la santé, depuis 2002.
Le système endocrinien regroupe les organes qui sécrètent des hormones : thyroïde, ovaires, testicules, hypophyse Il libère ces médiateurs chimiques dans la circulation sanguine pour agir à distance sur certaines fonctions de l’organisme comme la croissance, le métabolisme, le développement sexuel, le développement cérébral, la reproduction
Les perturbateurs endocriniens peuvent agir de différentes façons :
– en imitant l’action d’une hormone naturelle ;
– en se fixant sur les récepteurs des hormones naturelles ;
– en gênant ou en bloquant le mécanisme de production ou de régulation des hormones ou des récepteurs, modifiant ainsi les concentrations d’hormones présentes dans l’organisme.
Certains PE sont des composés solubles dans les corps gras (lipophiles), c’est-Ã -dire qu’ils se fixent sur le tissu adipeux, et peuvent facilement s’accumuler dans les graisses de différentes espèces et ainsi contaminer une grande partie de la chaîne alimentaire. Ainsi, on les dose dans le sang, le tissu adipeux, le lait maternel, le liquide amniotique, le sang du cordon ou les urines.
Un certain nombre de maladies sont aujourd’hui suspectées d’être la conséquence d’exposition aux perturbateurs endocriniens : baisse de la qualité du sperme, augmentation de la fréquence d’anomalies de la fonction de reproduction. Le rôle des PE est aussi suspecté pour les cancers dont le développement est influencé par des mécanismes hormonaux (cancers hormono-dépendants).
On en trouve où, des perturbateurs de ce type ? Partout !
– Plastiques, cosmétiques,
– détergents, pesticides,
– Fumée de cigarette, émission des moteurs diesel, incendie,
– Agriculture, nettoyages urbains, jardins particuliers,
– Mousses pour les mobiliers, tapis, équipements électroniques.
Souvenirs : le distilbène
Au début des années 1970, un chercheur américain, Arthur L Herbst, a observé la recrudescence d’une forme rare de cancers gynécologiques chez des adolescentes et de jeunes adultes. L’analyse de ces cas a montré que ces femmes étaient nées de mères qui avaient pris du distilbène, un Å“strogène de synthèse, prescrit à l’époque pour prévenir les fausses couches durant la grossesse. Rapidement, le lien entre l’exposition du fÅ“tus au distilbène et l’altération de ces organes reproducteurs (cancers, stérilité) a été établi. Depuis, il apparaît que les enfants nés de cette génération exposée in utero, ont, eux aussi, un sur-risque de pathologies gynécologiques.
L’eau et l’alimentation (migration de substances depuis l’emballage, contamination des sols de cultures, résidus hormonaux dans la viande), mais également l’air et les cosmétiques, sont les principales sources d’exposition aux PE. On en trouve beaucoup plus dans l’industrie : agriculture (manipulation de pesticides), industries pharmaceutiques (production d’hormones) et chimique (fabrication des pesticides, matières plastiques), etc.
Selon Sciences et Avenir, Benoît Hamon a présenté le 13 février 2017 en Seine-et-Marne un « plan pour une alimentation de qualité » en dix mesures, qui prévoit notamment d’interdire « les perturbateurs endocriniens, les nanoparticules et les pesticides dangereux » dans l’alimentation. Le candidat socialiste à la présidentielle, a fait de l’environnement et de la lutte contre les « perturbateurs endocriniens » un axe fort de sa campagne.
Se faire des cheveux
A quelques jours d’un nouveau vote à la Commission européenne sur la définition des perturbateurs endocriniens (PE), l’association générations futures a dévoilé une étude portant sur l’exposition des populations à ces substances chimiques.
L’ONG a demandé à sept personnalités du monde de l’écologie (Yann Arthus-Bertrand, Isabelle Autissier, Delphine Batho, José Bové, Yannick Jadot et Marie-Monique Robin) de lui confier une mèche de cheveux de 3 Ã 4 cm pour analyse. Un choix loin d’être innocent. « Ce sont des personnes qui font attention à ce qu’elles mangent et à l’environnement dans lequel elles vivent », décrit François Veillerette, directeur de générations futures.
Le laboratoire a recherché environ 200 PE se répartissant en quatre familles : les bisphénols (plastifiant : élément chimique servant à assouplir les plastiques : connu pour entrer dans la composition du polycarbonate, le bisphénol A a été interdit en 2012 dans les contenants alimentaires), les phtalates (autres plastifiants), les PCB (polychlorobiphényles, massivement utilisés dans les transformateurs électriques ou comme fluide caloporteur par exemple. Ils sont interdits de fabrication depuis 1987) et les pesticides (produits utilisés en agriculture et dans la maison pour se débarrasser de la faune ou la flore « nuisibles » ou « indésirables »).
Les résultats sont sans appel. Ces sept « cobayes » ont dans le corps chacune des familles de produits analysés. Entre 36 et 68 PE par personne ont été retrouvés dans leurs cheveux. générations futures dénonce « l’effet cocktail » de ces perturbateurs endocriniens. « Si deux substances, prises isolément, peu-vent être faiblement actives, elles peuvent devenir beaucoup plus toxiques une fois mélangées », s’alarme l’ONG.
Avec 68 PE retrouvés, la navigatrice Isabelle Autissier fait figure de « bad girl », mauvaise fille, selon ses propres mots. Car même si la présidente de WWF France assure « manger bio », et « faire son ménage avec du vinaigre blanc » par exemple, les résultats dépendent également du parcours de vie. « Pendant quinze ans, j’ai traîné dans les chantiers de construction de bateau où on passait notre temps à manipuler des produits avec une tête de mort dessus », se souvient Isabelle Autissier.
Au nom du principe de précaution, la France demande l’interdiction de certaines molécules chimiques en tenant compte de signaux d’alarme précoces, sans attendre les dégâts sanitaires importants qu’ils pourraient causer. L’exposition aux seuls perturbateurs endocriniens pourrait avoir un coût financier de plus de 150 milliards d’euros par an pour le système de santé européen.
Que choisir ?
La revue Que Choisir de février 2017, révèle les résultats d’une étude portant sur 419 produits courants : « Irritants, allergènes, perturbateurs endocriniens les substances toxiques ne sont pas rares dans les produits d’hygiène et de beauté, qu’il s’agisse de gels douche, dentifrices, shampooings, déodorants, crèmes hydratantes, laits corporels ou produits antirides. Cette liste est amenée à évoluer car les fabricants reformulent leurs produits, les retirant régulièrement des rayons pour en mettre d’autres sur le marché ».