Ecrit le 14 novembre 2018
Christian Bouvet : Hommes et femmes du pays de Châteaubriant
Presque 300 pages, le dernier livre de Christian Bouvet s’est intéressé à la Grande Guerre, ou plutôt à ceux qui l’ont vécue, au front ou à l’arrière. Ce sont des témoignages inédits, issus de carnets écrits par les poilus pendant leur période au front, de lettres aux familles ou de récits d’après guerre. « Tous ces écrits, mais aussi tous les monuments, élèvent un cri, un cri contre l’horreur de la guerre, un cri contre l’absurdité de la guerre, un cri qui dénonce, on ne le dira jamais assez, la cruauté et la bêtise humaines ».
Les carnets de guerre montrent comment les hommes devaient remplir leur « devoir patriotique » dans des conditions de violence et de brutalité. Vivre avec les blessés et les morts ajoute encore aux souffrances. Pourtant, hormis quelques mutineries, les soldats tiennent et combattent.
Le livre publie les expériences combattantes de deux gars de Nozay qui croient encore que « tout le monde est joyeux de partir défendre son pays » mais qui pressentent que « le monstre d’acier nous emmènera peut-être à la mort ». « La guerre est parfois dure » disent-ils. Parfois
Clément Bourdeau, de Derval, Jean Echelard, de St Julien de Vouvantes, François Laumaillé, de Châteaubriant, Henri Aubin, de Moisdon, Félix Sudre, de Saffré, racontent « leur guerre » et ses horreurs. « Enfin la tranchée boche est prise, mais il faut s’y installer. c’est le moment le plus terrible. Il faut creuser dans des cadavres putréfiés, il n’y a pas de choix, cette besogne est terrifiante et pourtant le salut est à ce prix. Les hommes sont à bout, il se sont battus une journée et demie et n’ont touché pendant ce temps qu’un bidon d’eau et un petit bifteck »
Christian Bouvet a su trouver, dans notre région, un as de l’aviation (François Guerrier de Treffieux), un prisonnier évadé d’Allemagne (Francis Chapron de Châteaubriant), des soldats en colère à la gare de Châteaubriant « A bas la guerre, vive la Révolution », et un soldat de Nozay, Joseph Bertin, fusillé pour l’exemple. Un soldat exemplaire pourtant, ce gars Bertin qui a participé à la bataille des frontières, à la bataille de la Marne, à la grande bataille de Champagne. Mais un coup de ras-le-bol, « les soldats bêlent comme des moutons menés à l’abattoir. L’internationale est chantée ». C’en est trop, l’armée ne peut tolérer cela.
A l’arrière
Le livre de Christian Bouvet, après les témoignages des Poilus, s’est intéressé à l’arrière. Après l’échec de la guerre de mouvement en 1916, le conflit s’installe dans la durée, il impose une grande mobilisation des femmes pour combler les pertes militaires des premiers mois et remplacer les centaines de milliers d’hommes mobilisés. La main d’œuvre féminine devient nécessaire pour faire fonctionner l’économie de guerre.
Le livre présente une photo de femmes « munitionnettes », employées à la fabrication des grenades à main, dans la fonderie Franco en 1918 à Châteaubriant et note très justement que « elles conservent leurs vêtements de femmes au foyer, ce qui signifie qu’elles ne sont ici que comme une main d’œuvre supplétive ». En zone rurale la femme devient le chef de l’exploitation agricole, tout en prenant en charge les enfants et le conjoint mobilisé. Le témoignage de mélanie Brunet, de Soudan, en est un exemple. La femme on la trouve encore dans les moulins et les boulangeries, dans les œuvres d’accueil des réfugiés et dans les soins aux blessés.
A Abbaretz un hôpital ambulance est installé pour environ 25 malades. Celui de Châteaubriant est créé à l’initiative de l’Union des Femmes de France, dans l’ancien collège catholique Sainte-Marie, pour environ 50 malades. Il verra passer 400 malades ou blessés.
Dans les communes, les maires ont un rôle essentiel : faire face aux mesures d’urgence, rechercher les « espions », surveiller les étrangers, gérer les réfugiés, coordonner les aides aux soldats et à leurs familles. Et inciter les administrés à souscrire les emprunts de la défense Nationale. Sans oublier les réquisitions, le ravitaillement, le rationnement. Les documents de La Meilleraye sont passionnants à ce sujet.
Mais ce que redoute un maire, par dessus tout, c’est l’arrivée d’un courrier militaire annonçant le décès d’un combattant. Car c’est à lui d’annoncer la nouvelle à la famille. Or les avis s’égrènent, horribles, au cours des mois .
C.Bouvet explique aussi que, dès 1914, les enfants sont imprégnés de la culture de guerre. La littérature enfantine, les jeux de société, les concours de dessin sont imprégnés par la guerre. Les écoliers doivent comprendre les sacrifices de leurs pères.
A Châteaubriant, l’œuvre du prisonnier de guerre castelbriantais organise les secours aux prisonniers de guerre : envoi de colis de nourriture et de vêtements.
A la fin de la guerre, la mémoire se construit autour de monuments aux morts. « Devenue culte collectif, la mort prend un sens ».
Livre « Hommes et Femmes du Pays de Châteaubriant » , par C. Bouvet.