Ecrit le 11 avril 2001
Bonne ou mauvaise solitude ?
70 personnes se sont déplacées vendredi 6 avril pour débattre de LA SOLITUDE. Mme Brigitte VEBER a donné, en introduction, quelques éléments de débat :
« La solitude est un fléau social qui s’amplifie de jour en jour, et qui génère des maladies, du désespoir, des dépressions, suicides et violences. Ses racines sont individuelles et sociales : on vit de façon de plus en plus concentrée et personne ne se parle. Les médias devraient pouvoir enrichir le tissu social, la solidarité devrait pouvoir y fleurir : mais en réalité on constate une montée de l’indifférence et de l’individualisme »
" Nous sommes tous nés sous le signe du lien. Nous nous sommes construits dans la relation aux autres, nous sommes des êtres sociaux, l’Homme n’est pas fait pour vivre seul. Pour exister il faut être relié à soi et d’abord à un autre ou à des autres. Le goût de vivre passe par là . Tout comme le sentiment d’avoir une place, une identité, passe par la relation aux autres, le regard des autres.
Nous avons tous eu des passages de désert (deuil, isolement géographique, abandon), la vie est jalonnée de séparations. Chacun a sa propre expérience de la solitude : qu’elle soit psychologique ou géographique, qu’elle soit liée à la ville inconnue dans laquelle on arrive, dans laquelle on a du mal à trouver un réseau.
La solitude peut être affective (= personne ne m’aime) - ou intérieure (= impossible de partager des intérêts, des passions, des joies, des chagrins). La solitude peut être existentielle (= rien ne me donne de l’espoir, je n’ai pas ma place dans le monde). La solitude peut être aussi culturelle (celle des communautés immigrées, déracinées de leur culture). Et puis il y a cette solitude particulière des grands malades et des personnes âgées « Après cette introduction qui a été trouvée un peu trop » noire ", les personnes se sont partagées en 7 groupes de discussion. Presque toutes ont ressenti un jour la solitude, mais avec des nuances. D’autres souhaitent trouver un peu plus de solitude (cas des couples avec des jeunes enfants, cas aussi des couples où on n’a plus rien à se dire, voire des couples dont la vie est un enfer).
Chacun, chacune, a donné sa façon de faire face à la solitude, de passer le cap des soirées trop longues, des dimanches où l’on n’ose pas déranger les enfants. Les uns écrivent un journal intime, d’autres font en solitaire une partie de scrabble, ou regardent la télé, ou lisent un livre, ou sortent pour aller retrouver des amis au café. La plupart des participants ont parlé de la vie associative comme un moyen de faire des choses intéressantes, mais aussi comme un moyen de nouer des relations.
La plupart des participants se sont accordés sur plusieurs points : il y a une « bonne » solitude, celle qu’on accepte, et une « mauvaise » solitude, celle qu’on rejette. Il y a nécessité d’aller soi-même vers les autres, sans rien attendre des autres, et d’apprendre à être heureux en goûtant tous les petits plaisirs de la vie.
Mais une question s’est posée : les personnes présentes n’étaient-elles pas celles qui, justement, ont su dominer la solitude, s’en faire une amie, un moyen de se retrouver, de se ressourcer. Comme chante le poète :
Ma liberté
Longtemps je t’ai gardée
Comme une perle rare
Mais qu’en est-il des personnes qui n’ont pas osé franchir la porte de cette réunion ?
LÃ est sans doute le vrai problème et il a été beaucoup question d’une part du Relais Rencontre qui fonctionne tous les vendredis après-midi et rassemble des gens de tous milieux (renseignements au 02 40 81 52 40) — et d’autre part de cette association « Initiatives de Femmes et développement pour tous » qui a pour but de promouvoir l’égalité des chances sur le pays de Châteaubriant, pour les femmes et pour les hommes :
– en créant des espaces d’accueil, de relations, de communication
– en organisant des soirées-débat
– en mettant en place un réseau d’échanges réciproques de savoirs
(on peut contacter cette association
au 02 40 81 18 10 ou 02 40 55 16 55)
La réunion s’est terminée en souhaitant « des groupes de parole », c’est-Ã -dire d’autres réunions du même type, sur d’autres sujets.
On n’a jamais assez espéré des hommes
Mais on obtient d’eux à mesure qu’on espère.
Ecrit le 26 septembre 2007
La solitude affaiblit les défenses immunitaires
Selon une étude de l’INSEE parue cet été les personnes qui ne vivent pas en couple ont une plus grande mortalité quel que soit l’âge. Est-ce parce qu’il manque, à leurs côtés, des personnes qui acceptent de s’occuper d’elles ? C’est certains dans beaucoup de cas, mais il y a autre chose : une équipe de chercheurs de l’université de Californie Los Angeles estime que la solitude aurait des effets biologiques néfastes sur le système immunitaire.
Leur étude a porté sur les gènes de 14 volontaires dont 6 étaient considérés comme de grands solitaires, déclarant depuis longtemps ne se sentir proches de personne.
Les chercheurs ont opéré des prélèvements sanguins et étudié l’activité des gènes des globules blancs. Au total, 22 000 gènes ont été identifiés et leur activité comparée entre les deux groupes de volontaires. Avec stupéfaction ils ont constaté des différences sur 209 gènes, ceux qui permettent de lutter contre l’inflammation chronique. Et qui dit inflammation chronique, dit plus de risque de maladie cardiovasculaire, d’arthrose ....
Bien entendu, quand on parle ici de solitude, on parle d’un isolement social important, beaucoup plus grave qu’un simple célibat !
Par ailleurs de nombreuses études épidémiologiques ont montré que les personnes solitaires avaient plus de risque d’infection, d’hypertension artérielle, d’insomnie et de cancer. De plus, selon une étude portant sur 800 personnes âgées, les personnes seules courent deux fois plus de risques de développer la maladie d’Alzheimer que celles dont la vie sociale est bien remplie.
Les résultats ont été publiés dans Archives of General Psychiatry et sont résumés dans le magazine belge « Equilibre ».
La solitude, au delà de son impact émotionnel, modifie les caractères génétiques d’une personne. On ne sait pas encore clairement comment la solitude influence certaines maladies.
Solution ?? renforcer les relations existantes, et en créer de nouvelles. C’est pourquoi, par exemple, la Commission Locale d’Insertion de la région de Châteaubriant insiste sur la nécessité d’une insertion sociale (Ã défaut d’une insertion professionnelle). Mais ce n’est pas toujours facile à réaliser : les gens profondément seuls peuvent avoir un handicap émotionnel qui les empêche d’aller vers les autres. Ils peuvent vouloir se faire des amis et en même temps craindre ou refuser les relations humaines .... Handicap social parfois aussi lourd qu’un handicap physique...
Ecrit le 2 janvier 2008
Et si on louait un ami pour une heure ?
Les fêtes de fin d’année sont, dit-on, une période difficile pour les gens seuls. Et si on se louait un ami ? Pas un DVD, non. Un ami ! Depuis le mois de septembre 2007, la société Easyfriend basée à Pully (Suisse) propose, via son site Internet, de choisir sur photo un inconnu (ou une) pour tromper sa solitude.
« Ce que nous proposons, c’est un peu la dame de compagnie du XXIe siècle ». En gros, des gens acceptant de prendre un verre, de vous accompagner au restaurant, au théâtre, à l’opéra, ou de faire une partie de tennis. Contre rémunération. « J’ai discuté avec pas mal de femmes entre 35 et 50 ans qui me disent qu’elles aimeraient bien sortir au ciné ou boire un verre, mais qu’elles ne veulent pas le faire seule ou qu’elles en ont marre de tomber sur des gros lourds qui les draguent. » dit l’un des créateurs du site. Les « conditions d’utilisation »précisent d’ailleurs qu’il s’agit d’un « service d’accompagnement sans aucun caractère érotique ou sexuel », le client ne pouvant espérer « la moindre relation charnelle ou toute autre forme de relation physique ».
Auteur du livre « Les solitudes » (PUF, 2003), la sociologue et professeure à l’Université de Genève Marie-Noë lle Schurmans voit là « une opération marketing » qui vide de son sens la « notion d’amitié, basée sur l’échange, la réciprocité ». Mais aussi une démarche qui repose sur un stéréotype, celui de la solitude perçue forcément comme quelque chose de négatif.
« Louer un ami est non seulement un leurre, c’est aussi probablement un palliatif, conclut-elle. C’est-Ã -dire un dispositif qui nous fait rester dans le stéréotype du manque, en ressentir momentanément moins les symptômes, mais nous y retrouver aussitôt après... tendanciellement plus fort. En effet, le lien marchand qui se masque derrière la figure positive de »l’ami« pervertit cette figure - sous-entendu : je suis tellement seul que je dois même payer pour avoir un ami... »
Comme dit le psychiatre français Boris Cyrulnik : « Louer un ami, c’est peut-être bien pour des gens seuls, mais c’est surtout un pansement pour une défaillance culturelle grave. »
Source : http://www.lematin.ch/ du 8 décembre 2007