Ecrit le 20 janvier 1999
Plan de continuation
Le Tribunal de Commerce, le 13 janvier 99, a donné son accord au plan de continuation de la société Biche de Béré mis en place par ses dirigeants. Selon une information parue dans « La Tribune » du 15 janvier 1999, ceux-ci affirment qu’il ne s’agissait que d’une « insuffisance de fonds propres due à une croissance trop rapide. » Quel aveu ! Quel cynisme !
Quel aveu ! Et qui donc menait cette croissance à marche forcée, au détriment des salariés et des créanciers ? Rappelons qu’en avril 98, au moment du dépôt de bilan, l’entreprise avait 35 millions de francs de passif dont 8 millions de dettes envers ses fournisseurs et 20 millions de dettes fiscales et sociales.
Quel cynisme ! Dans la lettre à ses salariés, en avril 98, la direction écrivait : « le gel de nos dettes va nous permettre de reconstituer en très peu de temps une trésorerie confortable. » En ce mois de janvier 99, elle annonce un chiffre d’affaires de 49 millions de francs en 1998 (au lieu de 45 millions en 1997) pour un résultat prévu de 2 millions de francs. Mais elle oublie de dire... MERCI. Merci à ses créanciers à qui il a été proposé deux options de remboursement :
Option 1 : abandon de 50 % du passif et paiement du reste sur 4 ans, à partir du 30 juin 1999
Option 2 : paiement de la totalité du passif, sur 9 ans, à partir du 30 juin 1999, et de façon très progressive : 5 % du passif la première année, 5 % la deuxième, 10 % la troisième et la quatrième, 12,50 % la cinquième et la sixième année, et 15 % les trois dernières années.
Attention, les chiffres ci-dessus ne sont pas des taux d’intérêt : c’est seulement le mode de partage de la dette que BICHE DE BERE doit rembourser à ses créanciers. Après tout, c’est bien commode : tous ceux qui empruntent auprès d’une banque en feraient bien autant.
Souhaitons aux salariés de cette entreprise de bénéficier des fruits de la bonne santé retrouvée. A propos, il paraît que la géniale créatrice se lance maintenant dans la fabrication d’écharpes, chapeaux, etc... qu’elle fait fabriquer... à l’étranger. C’est sympa pour les créanciers français.
Ecrit le 13 octobre 1999 :
Justice à vitesse limitée pour une salariée
Il est courant d’entendre les justiciables que nous sommes se plaindre de la lenteur de la justice, qu’elle soit pénale ou prud’homale. Nous ne nous étendrons pas sur les multiples facteurs qui viennent freiner la marche d’une procédure. Nous rapporterons ici un fait réel et récent d’une procédure prud’homale engagée par une salariée contre son employeur, d’une part pour percevoir tout simplement ses salaires et d’autre part pour obtenir réparation pour licenciement abusif.
précisons toutefois qu’il y a encore pire que cet exemple, que celui-ci se situe dans la zone des situations relativement courantes.
Profitons-en pour donner un coup de chapeau au passage aux Conseillers Prud’homaux, représentants des salariés comme représentants des patrons : ils accomplissent une tâche ardue, ingrate et extrêmement prenante. Il faut reconnaître que les tribunaux Prud’hommes doivent faire face à un nombre de plus en plus important d’affaires dans un monde économique où trop de chefs d’entreprise font fi de la réglementation du travail en jouant à tout crin le fameux « libéra-lisme » ou l’économie libérale que leurs grand-prêtres politiques appellent de leurs voeux. Cette procédure prud’homale reste encore la seule façon pour les salariés de faire valoir leurs droits même si, selon les statistiques, sur 100 salariés susceptibles d’utiliser cette possibilité, 80 y renoncent.
Nous désignerons, dans cet exemple, la salariée par « Madame X », sachant que la société en cause est Biche de Béré.
15 octobre 1997 - « Madame X » tombe malade.
18 novembre 1997 - après de multiples relances, n’ayant toujours pas perçu ses salaires de septembre et octobre 1997, « Madame X » adresse une lettre recommandée, avec accusé de réception, à la société Biche. Elle réclame en outre , depuis décembre 1996, des frais de déplacement qui lui sont dus.
8 décembre 1997 - « Madame X » saisit le Conseil des Prud’hommes avec l’aide d’un défenseur syndical.
23 décembre 1997 - l’affaire est examinée par le Bureau des référés, ce qui signifie « procédure rapide » pour les demandes non contestables, salaires impayés entre autres.
7 janvier 1998 - Le Conseil des Prud’hommes condamne la société Biche à payer les salaires de septembre et octobre 1997, plus les frais de déplacement, plus des pénalités
Malgré la condamnation, la société Biche fait la sourde oreille et n’exécute pas le jugement . le défenseur de « Madame X » doit demander l’intervention d’un huissier de justice pour l’exécution « forcée » du jugement
6 mars 1998, l’huissier récupère une partie des sommes dues, moyennant rétribution, en partie aux frais de la société Biche, en partie aux frais de « Madame X ». Eh bien oui, la législation est comme ça !
Rappelons que « Madame X » a saisi le Bureau de référés pour ses salaires de septembre et octobre 1997 !
Revenons un peu en arrière : en novembre et décembre 1997, « Madame X », qui est toujours en arrêt maladie, s’aperçoit que la société Biche encaisse les indemnités journalières de la sécurité Sociale, mais ne les lui reverse pas, pas plus que les compléments de salaire. Donc « Madame X » ne touche rien pour novembre et décembre 97. Elle donne donc sa démission à son employeur, pour non-paiement des salaires, démission assimilable, selon la loi, à un licenciement abusif, sur décision du Conseil de Prud’hommes.
Un dépôt de bilan bien commode
Avril 1998 : la société Biche dépose son bilan. le Tribunal de commerce désigne, comme il se doit :
– . un administrateur judiciaire (assistant de direction sans les pleins pouvoirs)
– . un représentant des créanciers (syndic)
– . l’AGS (assurance garantie des salaires) qui paiera les salariés durant la période de redressement judiciaire fixée par le Tribunal de Commerce.
(l’administration judiciaire et le représentant des créanciers s’appellent : « les mandataires de justice »)
Le simple fait de ce dépôt de bilan, suspend toutes les poursuites, ce qui fait que « Madame X » doit faire une autre procédure pour réclamer ce qui lui est dû.
22 juin 1998 : « Madame X » saisit à nouveau le Conseil des Prud’hommes et assigne au Tribunal : l’administrateur judiciaire, le représentant des créanciers, l’AGS., et la société Biche. Quatre assignations, cela fait quatre dossiers à fournir. Le jugement de référé n’ayant pas été totalement exécuté, la défenseur de « Madame X » s’adresse au représentant des créanciers pour lui demander le solde de ce premier jugement.
3 juillet 1998 - réponse du représentant des créanciers : comme « Madame X » a saisi les Prud’hommes pour, cette fois,ses salaires de Novembre-décembre 97 , janvier 98 + préavis, indemnité de licenciement, dommages et intérêts, il doit attendre le deuxième jugement à venir
2 décembre 1998 , date du second jugement ; la société Biche reconnaît toutes ses dettes salariales envers « Madame X ». Le prononcé du jugement est fixé au 3 mars 1999
3 mars 1999, le jugement est rendu. « Madame X » obtient gain de cause sur toutes ses demandes ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement abusif
8 mars 1999, le jugement est signifié à l’administrateur judiciaire, au représentant des créanciers, à l’AGS et la société Biche
5 mai 1999 : deux mois ont passé, « Madame X » attend toujours. Son défenseur syndical écrit au représentant des créanciers qui doit faire exécuter le jugement par l’AGS (qui doit payer).
A ce stade il faut préciser que la société Biche a été autorisée, depuis janvier 99, par décision du Tribunal de Commerce, à poursuivre son activité
26 mai 1999 : sans réponse du syndic, le défenseur de « Madame X » interroge par téléphone les services du syndic. On lui répond que, compte-tenu de la décision du Tribunal de Commerce, et de la poursuite de l’activité de la société Biche, c’est la société Biche qui doit payer
2 juin 1999 : mise en demeure est adressée à la société Biche
3 juin 1999 : la société Biche répond que ce n’est pas à elle de payer, mais à l’AGS sur présentation des créances établies par le syndic
8 juin 1999, excédé devant tant d’apparente mauvaise foi, voire d’embrouilles, le défenseur de « Madame X » somme le syndic de s’expliquer
21 juin 1999, le syndic répond, et précise ... qu’il se demande qui doit payer ! un comble !
23 juin 1999, la société Biche informe le défenseur qu’elle peut régler les créances salariales et qu’elle propose d’affecter les dommages et intérêts au plan d’apurement du passif .... c’est-Ã -dire par semestrialités, sur 10 ans, et sans intérêts bien entendu
28 juin 1999, le défenseur répond à Biche que tout ceci est inacceptable
5 juillet 1999, la société Biche informe le défenseur syndical qu’il doit considérer ses précédents courriers comme nuls et qu’il doit s’adresser au syndic
11 septembre 1999, près de deux mois et demi se sont écoulés, la période de vacances est passée, « Madame X » et ses enfants ne sont pas partis en vacances ! Cependant toujours rien. A nouveau le défenseur syndical envoie un courrier au syndic où il lui dit, entre autres « qu’il y va du sentiment que les salariés se font de la justice, et de la réputation des mandataires de justice »
20 septembre 1999, ouf, les chèques arrivent, adressés par le syndic. Celui-ci indique qu’il n’a pu obtenir le bulletin de salaire, établi par la société Biche, qu’Ã la mi-juillet 1999. Tout n’est cependant pas réglé : il reste 6000 F de pénalités qui ont été portés au règlement du passif sur 10 ans.
30 septembre 1999 : nouveau courrier du défenseur syndical, adressé au syndic, car la société Biche n’a pas réglé la première semestrialité en juin 99. Ca va encore durer 10 ans ?
En conclusion : pour percevoir ses salaires, il aura fallu 2 ans à « Madame X ». Tout a été fait pour la décourager.
On ne peut qu’admirer la ténacité du défenseur syndical, dans cette affaire, face à une entreprise et à des mandataires de justice qui ont multiplié les manœuvres dilatoires et les refus de payer ce qu’ils devaient. Quelle dépense d’énergie pour qu’enfin justice soit faite .
Biche de Béré : festina lente
Dans son numéro du 13 octobre 1999, sous le titre « Justice, vitesse limitée », La Mée a relaté la « longue marche » effectuée par une ex-salariée de l’entreprise « Biche de Béré » avant d’obtenir les salaires qui lui étaient dus et les dommages et intérêts attribués par le Conseil des Prud’hommes pour licenciement abusif.
Pour une affaire remontant au 15 octobre 1997, et après le jugement rendu le 8 mars 1999, cette salariée que nous avions désignée par « Madame X », obtenait enfin une partie des sommes dues, le 20 septembre 1999, la partie la plus importante c’est-Ã -dire une somme comprenant salaires et dommages-intérêts versés en l’occurrence, non pas par l’entreprise Biche (qui était en dépôt de bilan dans les conditions que l’on connaît) mais par l’AGS (assurance garantie de salaires).
On aurait pu penser, à cette époque, que le règlement des sommes restantes (soit 6000 F) (1) serait effectué sans difficultés particulières. Mais, mais ....l’entreprise ayant été autorisée par le Tribunal de Commerce à poursuivre son activité, ces sommes ont été portées au règlement du passif de la société et doivent être à ce titre réglées par elle (l’AGS ne réglant que la partie strictement salariale). Rappelons que ce règlement du passif était avantageux pour Biche puisque réparti sur 10 années sans intérêts bien entendu, et par semestrialités à compter de juin 1999.
Mme X, en juin 1999, aurait dû recevoir 150 F. Elle ne voit rien venir
En décembre 99, elle aurait dû avoir 146,25 F mais ...toujours rien
En juin 2000, elle attendait 142 F ...décidément rien !
On sait que, dans le cadre d’un dépôt de bilan, et pour la période de redressement judiciaire qui suit, le Tribunal de Commerce nomme un administrateur judiciaire (ici Me Collet) et un représentant des créanciers (dans ce cas Me Hervouë t). Ce sont ces gens, qu’on appelle les « mandataires de justice » qui, avec la dirigeante de l’entreprise, ont été assignés devant le Tribunal des Prud’hommes, tout ce beau monde est également destinataire du jugement du 8 mars 1999.
Le 30 septembre 1999, le défenseur syndical de Mme X rappelle à Me Hervouë t que la semestrialité de juin 99 n’a pas été versée à Mme X.
Le 1er février 2000, le défenseur syndical reprend son bâton de pèlerin, ou plutôt sa plume, pour informer le président du Tribunal de Commerce de la situation.
Le 8 février 2000, celui-ci répond qu’il a demandé à Me Collet (qui est devenu « commissaire à l’exécution du plan d’apurement du passif ») de « veiller au respect des échéances »
26 avril 2000, le défenseur syndical s’adresse directement à Me Collet pour lui rappeler que rien n’est encore réglé, lui demandant s’il a les moyens de contraindre l’entreprise Biche.
5 mai 2000, Me Collet somme Biche de régler et de lui adresser justificatif du règlement !
16 mai 2000, la société Biche répond à Me Collet qu’elle attend des informations de Me Hervouë t concernant « les échéances à régler à Mme X »
16 mai 2000, la société Biche confirme au délégué syndical qu’elle attend des informations de Me Collet et de Me Hervouë t. Cette fois la boucle est bouclée, chacun attend l’autre et Mme X attend toujours ce qui lui est dû : soit 438,25 F pour ses trois semestrialités. C’est pas la mer à boire pour l’entreprise !
Allons, de l’espoir, tous les recours ne sont pas encore épuisés, il reste celui de « l’exécution forcée par voie d’huissier ».
Oh, justice, Festina Lente (comme disent les pages roses du dictionnaire) : hâte-toi lentement !
(1) allouées au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, couvrant les frais de dossier, et au titre d’indemnités de retard
Les avis des consommateurs : il y a les avis spontané. Et ceux qui recopient la publicité-maison ou qui sont directement inspirés par l’entreprise : le style en est caractéristique !