Ecrit le 14 janvier 2009
Hola todos !
Me voilà établi à Puebla, au Mexique ! Certains de vous se demanderont ce que je peux bien fabriquer là -bas. Question judicieuse ! L’université de Nantes, dans laquelle j’étudie, a signé des accords de coopération internationale avec celle de Puebla. J’ai donc fait les démarches nécessaires pour aller y étudier sur un sujet donné par un prof de Nantes : « La notion d’Empire latin de Napoléon III et le gouvernement de Maximilien, 1861-1867 ». L’Etat et la Région m’ont attribué une bourse, je me retrouve donc « riche » dans un pays où la vie est 4 fois moins chère qu’en France !
J’ai d’abord découvert Cancún, une ville sans caractère. Construite en 1970 pour désengorger Acapulco et l´afflux touristique nord-américain, la ville se distingue surtout par ses 25 km de côte bétonnée, transformée en une vaste zone hôtelière. J´y ai vu de mes propres yeux, en m´incrustant à la terrasse d´un hôtel, Canadiens et surtout Américains picolant toute la journée autour de la piscine face à la Mer des Caraibes. On ne parle qu’anglais, surtout pas espagnol, on paie en dollars US, on fait des concours pour voir qui boit le plus vite. Et on se met tout nu devant tout le monde pour fêter la victoire. Affligeant.
Le centre-ville de Cancún est plus agréable, mais sans charme. J´ai pu y voir certains contrastes bien mexicains : le dimanche, l´église est ouverte toute la journée et ne désemplit pas ; seulement 20 m plus loin, sur la grande place de la ville, se déroule l´enregistrement d´une émission genre « la nouvelle star » où de jeunes demoiselles dansent sur de la techno à 120 décibels ; 20 m dans l´autre sens, un bar reggae a mis Bob Marley à 110 décibels... En se plaçant face à l’église, on peut donc facilement apprécier un remix de l´Ave Maria qui ferait pâlir de honte même Mgr Gaillot.
J’ai cependant eu la chance de choisir une bonne auberge de jeunesse, « El Mayan Hostel », tout proche de la station de bus où j’ai récupéré de bonnes adresses pour Puebla, où je dois étudier.
Et c’est donc parti pour 24 h de bus qui me font traverser le Mexique du sud au centre, soit près de 1800 km, pour 1170 pesos (env. 60 €). J’ai ainsi pu entrevoir le paysage de plusieurs Etats (le Mexique est une République fédérale), notamment celui du Yucatan, marqué par de verdoyantes prairies et une architecture mélangeant l’art Toltèque, Maya et colonial, ou encore l’Etat de Vera Cruz, lui aussi très vert mais plus marqué par la culture Aztèque. Ensuite, arrivée dans l’Etat de Puebla, au paysage beaucoup plus volcanique incarné par le Popocatepetl (La montagne qui fume, en dialecte aztèque) qui culmine à 5482 m et fait face à la ville de Puebla.
Dès le pied posé en cette dernière, un « Poblanien », rencontré dans le bus, insiste pour me déposer à l’hôtel que j’ai choisi grâce au guide du routard (tout de même bien pratique). Je ne dis évidemment pas non, mais celui-ci me gronde lorsque, arrivé à destination, je lui propose 50 pesos. A noter les nombreux contrôles militaires sur les routes mexicaines. C’est la traduction directe de la lutte contre les narco-trafiquants orchestrée par le nouveau président du Mexique, Felipe Calderón Hinojosa.
Grâce à une petite annonce, je trouve un appartement dans le centre de la ville, pour 1500 pesos (soit 81 euros) par mois : une grande chambre d’environ 25 m2, plus un salon, une cuisine et une salle de bains à partager avec deux colocs artistes et zapatistes. il y a tout de même quelques inconvénients. L’eau chaude est plutôt tiède à tendance froide, les toilettes ont une teinte et une odeur particulières (je vous épargnerai les photos), l’eau courante, comme dans l’ensemble du Mexique, n’est pas potable et on se fait réveiller très tôt par le camion du gaz qui fait tonner une affreuse musique indéfinissable. Mais un voyage n’en serait pas un sans ces petits plus qui font dire que vous êtes face à une autre culture.
Parler en espagnol ?
Je me rends compte qu’un large travail reste encore à réaliser, notamment pour la conjugaison et la grammaire espagnoles. C’est ainsi que, tel un écolier de primaire, je ressasse et potasse tous les jours mes verbes irréguliers et mes tournures de phrases. Eh bien, pauvres de nous, nous ne nous rendons pas compte à cet âge à quel point ce travail est long et fastidieux !
Les Mexicain(e)s s’avèrent être des gens accueillants. Par exemple, les ouvriers qui travaillent à retaper la façade de mon appartement me proposent toujours des tacos (galettes) lorsque je passe devant eux lors de leur pause-déjeuner. Les regards des demoiselles n’en finissent plus de m’être destinés, ce qui me permet enfin de me rendre compte ce que c’est qu’être un étranger face à la discrimination positive ! J’ai d’ailleurs sympathisé avec la chica qui s’occupe des balades touristiques en bus autour de la ville. Elle m’a offert un tour gratuit de Puebla, où j’ai pu admirer le Popocatepetl au coucher du soleil et la majeure partie des beaux coins de la ville. Pour la remercier, je lui ai bien sûroffert un verre dans un café.
Bref, il est présentement 14 h 45, il fait 25 degrés et un beau soleil, je pars faire une petite balade dans les rues poblanniennes. Je bouge demain vers Jalapa, capitale de l’Etat de Vera Cruz, voir William, un pote mexicain qui avait le chemin inverse au mien il y a deux ans, afin de passer les fêtes à ses côtés.
Xalapa, doux Jésus !
Xalapa (ou Jalapa, prononcez « Rat lah pah »), est à trois heures de bus de Puebla. Les quelques bières nécessaires aux retrouvailles passées, William et moi nous nous sommes dirigés vers Perote, petite ville proche de la grande d’environ 50 000 habitants, vers la famille de sa copine afin de passer la Nativité en tir groupé.
Dès notre arrivée, nous assistons à une procession bien mexicaine qui consiste tout d’abord, et si j’ai bien compris, à jouer Joseph d’un côté d’un portail alors que Marie lui répond des choses bizarres. Tout le monde doit porter une bougie, je ne sais pas trop pourquoi. Puis, on prend une boule de sapin, on la pose dans la crèche du jardin et, aaaahhhhh, on embrasse le petit Jésus où on veut. A ce moment, grande réflexion personnelle : s’afficher tout de suite comme un horrible suppôt du diable ou, tel un mouton de Bethleem, lécher la chose sur le front. Attaché à l’idée que la diplomatie nécessite certaines concessions, je décide donc d’opter pour la seconde option.
Picanté
Puis, le dîner, riche de plein de choses toutes savoureuses, hormis une découverte : « la salsa ». Non, ce n’est pas cette sulfureuse danse latine mais bien un condiment genre moutarde que l’on sert dans des petits ramequins, d’une couleur verte, rouge, ou pourpre (la salsa, pas le ramequin). Fidèle à l’idée qu’il faut tout essayer, d’une part pour ne pas mourir con et aussi pour ne pas désobliger l’auditoire, je me sers gaiement de la mixture verte à base de chili, bien que je me doutasse fort de l’effet « picanté ». Mais là , à ce point là , c’est pas humain. Ca pique, oh, ça pique. Obligé de boire plusieurs verres qui, bien sûr, ne contiennent pas que de l’eau, ce qui me permet ensuite de chanter plus facilement les « tubes » francais que l’on me demande avec insistance. Ils ont donc eu le droit à du Brassens et à un saccage de Piaf.
Cadeau aux dés
Ensuite, passage aux cadeaux. Encore une procession particulière : il faut lancer un dé et prendre le nombre de cadeaux correspondant au chiffre, sauf si l’on fait 6, numéro que je réalise à chaque fois. Snif. Compréhensive, la sympathique famille m’offre tout de même une mini serviette de table, un médaillon Winnie l’Ourson et du bicarbonate de soude en dose, pour « Ton estomac quand tu manges trop épicé ». Merci les gars, ça c’est du Noë l pratique.
La soirée se termine par de la danse sur de la musique latino, dont des slows de l’idole du coin, l’immense José José, dont la musique m’apparaît aussi pourrie que le nom de scène. Mais, on ne critique pas, c’est passible de la peine de mort ici. La soirée se termine vers 4 h du mat, et direction la maison des parents de la copine de William. Et on continue les hostilités avec le père en écoutant « los beateles » (prononciation mexicaine des p’tits gars de Liverpool) et en buvant moult vin rouge et téquila. Extinction des feux vers 7 h 30 du mat, non sans avoir visité la baraque qui est démente. Eh oui, William a pris un bon parti, ces Mexicains sont, tout en étant des amours, extrêmement riches. Trois étages d’environ 150 m2 chacun, plus une cabane annexe avec un étage et toutes les praticités, où c’est qu’on dort avec William. Et aussi 3 femmes de ménage qui se relaient jour et nuit pour le ménage, la cuisine et tout et tout.
Cette famille incarne bien les disparités qui existent au Mexique. C’est d’ailleurs le pays au monde où le fossé entre riches et pauvre est le plus large. Quarante pour cent de la population est proche ou sous le seuil de pauvreté, alors qu’un petit 10 % roule sur l’or. Chez Jorge, Liliana et leurs trois enfants, c’est seulement Jorge qui travaille comme ingénieur informaticien dans une entreprise de vente de viande de porc, et, visiblement, ça marche bien.
Je n’ai cependant pas dit non pour rester quelques jours de plus là -bas pour visiter la région, fort jolie ma foi, même si à Perote, il fait froid. Non, je ne me moque pas de vous, Européens et Québécois en hiver, la ville est située dans un « coffre » montagneux où il indispensable de posséder sa grosse laine dès que le soleil se couche.
Après ces festivités prolongées, retour à Xalapa et Premier de l’An plutôt tranquille car un peu mal au crâne quand même, bien que super bonne bouffe et jolies filles. Ensuite visite des chutes d’eau de Xico et je rentre à Puebla.
Ces quelques jours en milieu bien mexicain ont permis à mon espagnol de fortement s’améliorer. Par ailleurs, je regarde avec plaisir les cours du dollar s’effondrer car le peso mexicain est, dommage pour eux, indexé sur le billet vert. Je peux aujourd´hui compter 50 Euros pour 1000 pesos, ce qui me permet une vie confortable, quand on sait qu’un bon repas peut s’acheter 50 Pesos, un paquet de 25 clopes 25 Pesos et un 300 km de bus : 70 Pesos.
Je profiterai du prochain message pour réaliser une approche plus technique, en chiffres, de ce grand Mexique si particulier et rempli de paradoxes.
¡ Hasta pronto, amigos !
Manu Halet de Moisdon
Des photos du Mexique :