Ecrit le 23 juin 2010
Au moins 393 et jusqu’Ã 521 millions d’euros : c’est le coût non-compensé des transferts de compétences d’Etat qu’a supporté le département de Loire-Atlantique depuis 2002. Ainsi vient de l’établir la mission d’information et d’évaluation constituée par le Conseil Général fin 2009. Cette somme considérable a conduit le département à intenter un recours auprès de l’Etat en vue d’en obtenir le remboursement. Faute d’une réponse favorable, le président du Conseil Général, Patrick Mareschal, annonce qu’il engagera un contentieux.
1) APA RMI-RSA ...PCH : plus de 248 M€
APA, RMI-RSA puis PCH : ces trois prestations sociales confiées par l’État au département en 2002, 2004 puis 2006, ont vu leur mise en œuvre profiter à un nombre croissant de bénéficiaires. Et si les dépenses d’allocations ont connu une forte progression, les recettes de compensation ne connaissent malheureusement pas un dynamisme similaire. c’est donc le Conseil Général, sur ses recettes propres (dotations ou fiscalité) qui doit abonder ce surcoût de plus en plus pesant.
détails | 2003 | 2009 |
bénéficiaires | 13 827 | 18 972 |
coût pour le CG | 53,93 M€ | 77,15M€ |
Compensation par l’Etat | 27,16 M€ | 26,68 M€ |
Le coût cumulé de la compétence APA s’établit ainsi à 191,32 M€, au moins, depuis 2002.
â–º RMI-RSA
Dans le cas du Revenu Minimum d’Insertion, transformé et élargi en Revenu de Solidarité Active au 1er juin 2009, ce sont les départements qui assument entièrement le paiement des allocations depuis le 1er janvier 2004. Pour fixer son niveau de compensation, l’Etat a pris comme référence le montant des dépenses d’allocations exécutées en 2003 ! Or le nombre de bénéficiaires, s’il a baissé entre 2006 et 2008, est globalement supérieur à celui de 2003, en raison de la progression du chômage.
Solde à la charge du département : 35,56 M€ depuis 2004
â–º PCH
Loi du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » a créé la Prestation de Compensation du Handicap, mise en œuvre au 1er janvier 2006. Comme l’aPA, la PCH devait être financée pour partie par les départements, par redéploiement des crédits précédemment consacrés par eux à l’allocation compensatrice pour Tierce personne, et par la solidarité nationale via la Caisse Nationale de Solidarité pour l’autonomie.
Mais en réalité : le solde à la charge du département est de 21,61 M€ depuis 2006
Social, éducation, routes : 42, 73 M€
La loi du 13 août 2004 a confié aux conseils généraux de multiples compétences nouvelles, à savoir :
â–º dans le domaine social, le Fonds d’aide aux jeunes (FAJ), le Fonds Solidarité Logement (FSL), les Commissions locale d’information et de coordination (CLIC ) et le Comité départemental des Personnes âgées (CODERPA) ;
â–º dans le domaine de l’éducation, 690 Techniciens ouvriers et spécialisés des collèges publics, le forfait d’externat des collèges privés ;
â–º dans le domaine routier, 160 km de routes ex-nationales et 409 agents de directions départementales de l’Equipement (DDE)
Cette même loi a prévu que le montant des compensations serait équivalent au montant des dépenses consacrées par l’État à l’exercice de la compétence concernée. Dans les faits, ce droit à compensation s’est révélé insuffisant. Solde à la charge du département : 42,73 M€ depuis 2004
3) Enfance, incendie-secours, divers
â–º La loi du 11 février 2005 a prévu la création d’une Maison départementale des Personnes Handicapées dans chaque département. Pour faire fonctionner correctement cette MDPH de Loire-Atlantique, le Conseil Général a apporté : moyens généraux (mobilier, fournitures), informatique, personnel, électricité, etc. Ces dépenses ne font l’objet d’aucune compensation de l’Etat,
Solde à la charge du département : 2,60 M€ depuis 2007
â–º La loi du 5 mars 2007 visait à renforcer la prévention, organiser le signalement des situations à risque et diversifier les actions et les modes de prise en charge des enfants. La loi avait prévu la création d’un Fonds au profit des départements mais le Gouvernement s’est refusé à créer ce fonds
Solde à la charge du département depuis 2008 : 0,69 M€
â–º La loi du 27 février 2002 a prévu une profonde refonte du financement des SDIS (pompiers), prévoyant la suppression des contributions des communes et des groupements de communes et l’augmentation en parallèle de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des départements. Cela n’a jamais été appliqué. Le Conseil Général a supporté depuis 2003 l’essentiel de l’augmentation des dépenses du SDIS, passées de 65,49 M€ en 2002 à 92,17 M€ en 2008.
Solde à la charge du département depuis 2003 : 95 M€
â–º Le Conseil Général a dû faire face aussi à la formation des assistantes maternelles et à la suppression de la vignette automobile
Perte pour le département depuis 2006 : 2,81 M€
Deux principes constitutionnels
La Constitution a posé deux principes
â–º"¢ Le principe de libre-administration des collectivités
La révision constitutionnelle de 2003 a renforcé ce principe en prévoyant que les collectivités territoriales doivent pouvoir disposer librement de leurs ressources. La loi organique de juillet 2004 a donc fixé la part minimale de ressources propres des départements à 63,4 %. Le Conseil Général considère que ce niveau de ressources propres n’est aujourd’hui pas atteint.
â–º"¢ Le principe de compensation des charges transférées
Le principe de la compensation financière a été inscrit par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 en disant : « Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». « Ce principe n’est pas respecté dans la situation actuelle » écrit Patrick Mareschal
Le Conseil Général a engagé un recours gracieux depuis le 8 avril 2010, sans réponse de l’Etat. « Un refus de répondre favorablement à cette attente mettrait l’Etat en contradiction avec ses obligations légales et constitutionnelles et serait de ce fait constitutif d’une faute de nature à engager sa responsabilité », conclut Patrick Mareschal dans son courrier au Premier Ministre.
Le cas échéant, le Conseil Général engagera un recours contentieux auprès des juridictions administratives, au cours duquel il soulèvera l’inconstitutionnalité des dispositifs de financement des compétences transférées.
Sigles !
– APA : Allocation Personnalisée d’Autonomie (personnes âgées)
– MDPH : Maison départementale des personnes handicapées
– PCH : prestation de compensation du handicap
– RMI-RSA : revenu minimum d’insertion/activité
Le Conseil Général de Loire-Atlantique vient en effet de déposer un double recours : il estime que l’Etat n’assure pas la compensation de transferts de compétence importants et réclame 419 millions d’euros. Ce sera dorénavant au tribunal administratif et au Conseil constitutionnel de trancher.
Résumé des épisodes précédents : depuis l’entrée en application de l’acte II de la décentralisation, le Conseil Général de Loire-Atlantique souligne que la compensation du coût des compétences transférées par l’Etat n’a jamais été assurée. Le coût non-compensé des transferts de compétences d’Etat, est de 393 à 521 millions d’euros depuis 2002. Un recours gracieux contre l’Etat a été engagé. Le Premier Ministre n’a pas répondu.
Deux recours
Le premier recours, auprès du Tribunal administratif, vise à obtenir, pour le passé, le remboursement de 419 millions d’euros et à faire constater la non-conformité à la Constitution de la législation en vigueur. Pour l’avenir, un second recours enjoint le Premier Ministre à modifier les textes. Une démarche imitée aujourd’hui par de nombreux départements.
Cette somme de 419 413 849 € correspond aux dépenses suivantes de 2002 à 2009 : Allocation personnalisée d’autonomie ; Revenu minimum d’insertion ; Prestation de compensation du handicap et Allocation compensatrice de tierce personne ; Service départemental d’incendie et de secoursetc .
« Un grand nombre de départements ont décidé de se joindre à notre démarche, en reprenant l’argumentation juridique de la Loire-Atlantique et en engageant aujour-d’hui le même recours auprès du Premier Ministre » précise Patrick Mareschal, président du Conseil Général car « les choses se détériorent à grande vitesse, et il est devenu urgent que l’Etat réagisse » sans quoi le Conseil Général ne pourra pas équilibrer le budget de 2011.