Ecrit en octobre-novembre 2000
Bon courage
Madame Le Garde des Sceaux
Le remaniement ministériel d’octobre 2000 a conduit au poste de Garde des Sceaux, ministre de la justice, Marylise Lebranchu, précédemment secrétaire d’Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l’artisanat. J’ai eu l’occasion d’entendre Madame Lebranchu, géographe de formation, au festival de géographie de Saint-Dié, le 7 octobre, sur le thème : « Alimentation, Santé, géographie », et j’avoue avoir été agréablement surprise par la clarté du message et la justesse du ton.
Personnalité politique peu médiatisée jusqu’Ã présent, Madame Lebranchu s’est exprimée dans un langage compréhensible de tous, expliquant le rôle de l’Etat dans la définition des normes sanitaires, prenant en compte la diversité des terroirs, des territoires et donc la nécessité de respecter des nuances dans l’application de ces normes. Sur un sujet technique, mais qui concerne la vie de chacun, donc politique, elle mettait en évidence le rôle du personnel politique : défendre l’intérêt général. Enfin une personnalité politique qui parle sans langue de bois, qu’on écoute avec intérêt !
J’ai pensé que le public, les concitoyens devraient rencontrer plus souvent des hommes et des femmes politiques qui les réconcilient avec la fonction politique, qu’ils soient de Droite ou de Gauche. Il est sain et nécessaire de ne pas être d’accord, de défendre des idées, des choix, des orientations différents, voire contraires ; rien n’est pire que cet unanimisme mou, ce consensus des élites qui donne l’impression que tout se vaut, donc que rien ne vaut la peine d’être défendu, qu’il est donc inutile de voter, de participer au débat politique, puisque le citoyen a perdu tout pouvoir et que tout se décide au-dessus de lui, sans lui. Autant cette impression, ce sentiment désabusé se répandent, autant dépérit la démocratie...
La corruption n’est pas nouvelle, mais sa répétition discrédite le personnel politique, tout le personnel politique, et, finalement, détruit le rapport des citoyens à la chose publique, la politique.
En écoutant Madame Lebranchu, même si je me sens très critique à l’égard du gouvernement auquel elle appartient, j’ai pensé que, si elle sait répondre aux défis de notre temps, la démocratie pourrait, peut-être, regagner des points. Le désir de justice est sûrement l’un des plus partagés, c’est un des enjeux de la République de faire constater que « la loi est la même pour tous, qu’elle punisse ou qu’elle protège »..
Les élections législatives de 1993 ont déjà montré ce que les citoyens pensent de l’amnistie. Le sentiment d’une injustice faite par l’Etat, ajoutée à tant d’autres injustices non légales, celles-là , mais sociales, naturelles, géographiques, physiques, pervertit l’attachement aux institutions républicaines et démocratiques et, finalement, détruit le lien social. Si chacun, chaque groupe s’enferme dans son territoire comme dans un « terrier », où est la Nation ? Il y a beaucoup à faire, il y a urgence ; bon courage, Madame Le Garde des Sceaux !
Maryvonne Bompol
le 25 octobre 2000
Patrick Devedjian, du RPR, a accusé Marylise Lebranchu, de ne rien connaître à la justice. Avant de parler ainsi, il devrait penser au ministre de l’Agriculture RPR François Guillaume, un paysan, qui avait prouvé que la bonne connaissance du milieu ne fait pas nécessairement le bon ministre .... PMB
(écrit le 25 octobre 2000)
Dans l’affaire de la cassette méry, les seuls inculpés du moment sont des avocats, douteux certes, et un journaliste. Des hommes politiques dont elle confirme les turpitudes, de celui qui la garda (vous confieriez les clés de la France à quelqu’un qui ne sait même pas où il met ses affaires ?), rien.
PMB
Justice et « affaires »
Ecrit en octobre 2000
La Ligue des Droits de l’Homme, dans un communiqué du 19 octobre 2000, proteste contre la mise en examen du journaliste Arnaud Hamelin pour recel de violation du secret professionnel. Comme le dit la Cour européenne des droits de l’homme « la liberté de la presse fournit à l’opinion publique l’un des meilleurs moyens de connaître et juger les idées et les attitudes des dirigeants ». Le délit de recel d’informations ne peut être constitué à l’encontre d’un journaliste qui peut toujours décider de publier le support de celles qu’il révèle « pour en assurer la crédibilité ». Poursuivre celui qui a montré le scandale constitue une manœuvre de diversion et une grave atteinte à la liberté d’informer
Par ailleurs les responsables des magazines d’information des cinq grandes chaînes de télévision de France ont signé, mercredi 18 octobre, un texte de solidarité avec le producteur Arnaud Hamelin. Ils s’y étonnent « de ce que l’un de leurs confrères indépendants soit ainsi mis en cause dans ce qui n’a été que le strict exercice de son métier, de son libre arbitre et de la nécessaire et prudente gestion de ses sources, dans le cadre de ce que nous estimons relever du droit à l’information ».
« On reproche à un journaliste d’avoir fait l’usage qu’il souhaitait de ses informations. C’est pourtant son strict droit et il doit être respecté », constate l’association Reporters sans Frontières (RSF), qui estime que cette décision de justice « porte atteinte au droit d’informer ».
Avec le chef de mise en examen de « recel de violation du secret professionnel », les journalistes ont l’impression que les magistrats utilisent une nouvelle arme pour entraver leur travail ou les contraindre à divulguer leurs sources.
Depuis quelques temps en effet, les tracasseries à l’égard des journalistes se multiplient, notamment lorsqu’il s’agit de la publication d’informations sur des sujets sensibles sur le plan politique ou économique.
En juillet 1998, dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat du préfet Claude Erignac, le juge Jean-Louis Bruguière avait placé en garde à vue un collaborateur de L’Evénement du jeudi et fait saisir, lors d’une perquisition à son domicile, son répertoire électronique et un carnet d’adresses. Il avait été mis en examen pour « recel de violation du secret de l’instruction ».
Plus récemment un journaliste et le rédacteur en chef de L’Agefi ont aussi été mis en examen « pour recel de délit d’initié » après avoir rendu public les résultats semestriels du groupe Aerospatiale Matra.
(publié le 1er novembre 2000)
présumé innocent
« NUL ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite », dispose l’article 803 du code de procédure pénale.
En vertu de ce texte, le journaliste et producteur Arnaud Hamelin, (celui qui a tourné la fameuse cassette-confession de Jean-Claude méry mettant en cause le financement du RPR et Jacques Chirac) placé en garde à vue du 16 au 18 octobre, fut considéré, durant quarante-huit heures, par les enquêteurs de la brigade financière comme un suspect « dangereux » ou un fugitif en puissance.
« Ils m’ont mis les menottes à chaque fois qu’on me faisait bouger, raconte-t-il dans Le Monde du 25 octobre 2000. Les mains dans le dos, on me poussait pour me faire avancer. Les menottes étaient très serrées. Ça faisait mal. Une ou deux fois, je me suis plaint, mais ça n’a rien changé. »
Un monde policier
peu ... policé
Grand, massif et flegmatique, M. Hamelin décrit sans colère cette « expérience »inédite : ancien grand reporter de télévision, il a baroudé sur quelques champs de bataille mais ne connaissait guère le monde policier. « Le premier soir, après une journée d’interrogatoires, ils m’ont dit qu’il allait falloir me conduire ailleurs pour dormir. Au Château-des-Rentiers [le siège de la sous-direction des affaires économiques et financières de la police judiciaire parisienne], il y a des cellules, mais personne pour les garder. Un des policiers m’a dit : » On ne fait pas hôtel "
A cœur ouvert
Opéré à cœur ouvert voici quelques années, M. Hamelin doit prendre des médicaments. Son épouse les lui avait apportés jusqu’aux locaux de police. « Mais ils voulaient être sûrs que je prendrais les bonnes pilules, explique-t-il. Dans la soirée, ils m’ont emmené à l’Hôtel-Dieu. L’un d’eux m’a dit : » On ne voudrait pas qu’il vous arrive quelque chose ". Menottes durant le transfert, puis à l’hôpital. L’examen médical terminé, le journaliste est conduit au commissariat du 13e arrondissement pour y passer la nuit. Ses demandes répétées pour obtenir un sandwich restent vaines jusqu’Ã 23 heures.
Puis il tente de dormir sur une banquette dure et exiguë , dans une vaste cellule grillagée où d’autres personnes sont enfermées. Le journaliste dit en avoir conservé le souvenir d’une lumière trop forte pour trouver le sommeil.
« A 1 h 30 du matin, poursuit-il, on me sort de ma cage, direction le commissariat du 6e arrondissement. » Les consignes des juges sont strictes : le journaliste ne doit pas croiser les deux autres suspects gardés à vue, les avocats Alain Belot et Allain Guilloux. « On aurait pu y penser avant, mais bon... », grommelle, fataliste, M. Hamelin. A l’aube, les menottes enserrent à nouveau ses poignets. On le pousse dans un petit car de police blanc, dans lequel on pénètre par une porte coulissante sur le côté. « Si le conducteur tourne un peu trop vite ou freine brusquement, tu te casses la gueule à l’intérieur. Quand ça m’est arrivé, ils m’ont redressé en disant : » Ça va, hein ? Tout va bien. « - » J’ai répondu que ça allait. « Le deuxième jour comportera aussi ses » transferts « répétés : Hôtel-Dieu, Château-des-Rentiers, commissariat du 5e arrondissement pour la nuit - » dans une salle où j’étais tout seul, sur un petit banc de bois, avec une couverture qu’un flic m’avait passée et que j’ai mise sur ma tête pour échapper à cette foutue lumière : j’ai trouvé ça merveilleux... ".
Pour cols blancs
Entre-temps, les interrogatoires sont tendus, parfois agressifs : « Ils m’ont répété des dizaines de fois que j’étais un fieffé menteur, que je protégeais quelqu’un, qu’il valait mieux que je dise tout, raconte-t-il. J’ai l’impression qu’Ã aucun moment, ils n’ont cru ce que je leur disais. ».
Le mercredi matin, on le conduit au pôle financier du tribunal de Paris, rue des Italiens. Locaux neufs, modernes et propres. Il y passera quelques heures dans « une cellule pour cols blancs ». « J’ai pu mesurer le décalage, dit-il. Ailleurs, c’est dégueulasse, puant ». Dans l’ascenseur, dans les couloirs de l’instruction, il est encore menotté. « Mais, cette fois, les mains devant moi, précise-t-il. On me tire avec une laisse ». Le 18 octobre, en début d’après-midi, M. Hamelin a été mis en examen pour « recel de violation du secret professionnel ».
Faits cités dans Le Monde du 25 octobre 2000 et qui montrent comment la Justice dérape. C’est l’ancien maire de Paris, Jacques Chirac, qui est mis en cause dans la cassette filmée par Arnaud Hamelin, mais c’est le journaliste qui est arrêté !