Ecrit le 13 juillet 2016
France-Stratégie a publié une étude sur « Dynamiques et inégalités territoriales ».
On peut la lire ici :
Les lecteurs de La Mée, qui aiment les articles de fond, trouveront ici de quoi alimenter leur réflexion.
Constat n° 1 : La France s’inscrit dans le mouvement mondial de métropolisation
Atouts et difficultés des métropoles
Comme dans la plupart des pays développés, les grandes aires urbaines françaises concentrent une part importante de l’activité. Les quinze aires urbaines de plus de 500 000 habitants que compte la France rassemblent aujourd’hui 40 % de la population et 55 % de la masse salariale. Elles représentent aussi plus de 50 % de l’activité économique et le PIB par habitant est en moyenne 50 % plus élevé dans les métropoles que dans le reste du pays.
Depuis une quinzaine d’années, le phénomène de métropolisation de l’économie s’accélère dans la plupart des pays du monde. Les villes ont toujours bénéficié de ce que les économistes appellent les « économies d’agglomération », c’est-Ã -dire l’intérêt pour les individus à être proches les uns des autres (mutualisation de certains coûts, diversité des opportunités sur le marché du travail, circulation de l’information). Les grandes aires urbaines disposent d’une population plus diplômée et ont un monopole sur certaines activités de service à haute valeur ajoutée, ce qui renforce leur attractivité pour les populations qualifiées.
Mais la distribution des qualifications ne suffit pas à expliquer les performances productives des grandes villes. La seule concentration ne suffit pas à engendrer la performance. Les facteurs de la réussite d’une métropole sont multiples et complexes : spécialisation initiale, étendue des champs d’activité (notamment dans les fonctions tertiaires dites supérieures), concurrence avec d’autres villes locales, présence de clusters et de pôles de compétences, ou encore gouvernance locale.
Il y a cependant des effets négatifs : ainsi, la densité de population entraîne des effets de congestion, problèmes de transports, de pollution ou de sécurité, prix de l’immobilier élevés. Ces coûts supplémentaires se répercutent sur les prix et les salaires locaux. Les métropoles sont aussi les lieux où les inégalités de revenus sont plus importantes. La pauvreté dans les grandes métropoles est aggravée par un niveau général des prix plus élevé que dans le reste du territoire.
Constat n° 2 : La désindustrialisation a amorcé une dynamique de divergence régionale
L’économie française s’est fortement désindustrialisée depuis une trentaine d’années. La part de l’industrie dans la valeur ajoutée totale a baissé fortement dans toutes les régions.
Mais cette mutation n’a pas eu les mêmes conséquences sur tout le territoire. La région ÃŽle-de-France s’est réorientée massivement vers les services à haute valeur ajoutée. En revanche, la désindustrialisation rapide des régions du nord et de l’est s’est accompagnée d’un déclin économique significatif.
Constat n° 3 : Le système redistributif et la répartition de l’emploi public réduisent significativement les écarts territoriaux.
Le système de protection sociale français a des effets importants sur la réduction des inégalités entre territoires, même s’il n’a pas de vocation territoriale, puisqu’il opère des transferts entre individus quel que soit l’endroit où ils se trouvent. En effet, les transferts jouent un rôle fondamental pour redistribuer les revenus entre les territoires car « les emplois qui engendrent des ressources pour les régimes de protection sociale ne sont pas forcément localisés aux mêmes endroits que les bénéficiaires des prestations ».
Par exemple, après redistribution, le revenu disponible brut des ménages d’ÃŽle-de-France est 20 % au-dessus de la moyenne française, alors que le PIB par habitant est 60 % au-dessus de la moyenne. Au total, l’inégalité de revenu disponible est beaucoup moins marquée que l’inégalité de PIB par habitant.
Jusqu’ici la redistribution a permis de limiter les inégalités entre territoires. En outre, cette redistribution permet de générer du dynamisme économique, car certains territoires à dominante résidentielle bénéficient des dépenses de consommation des populations qu’ils attirent : notamment les retraités. Ce sont essentiellement les territoires du sud du pays.
L’emploi public constitue aussi un levier important de redistribution des ressources. On observe notamment que le poids relatif de ces emplois est plus important dans les régions moins dynamiques. Cela est à la fois dû à un moindre niveau d’emploi dans le privé dans ces régions et à une volonté de maintien des services publics dans l’ensemble des territoires. Par le jeu des transferts sociaux et de l’emploi public, la dépense publique joue donc un rôle de péréquation entre territoires.
Mais la politique territoriale manque de vision d’ensemble. Les dépenses publiques d’éducation et de formation varient peu en fonction des caractéristiques des territoires. Par exemple les réseaux d’éducation prioritaires disposent de moyens financiers plus importants, mais les classes ne contiennent que deux élèves de moins que la moyenne, ce qui est insuffisant pour compenser les écarts de résultats scolaires. En ce qui concerne la formation professionnelle des chômeurs, là encore, de façon paradoxale la dépense par tête est significativement inférieure dans les régions où les taux de chômage sont les plus élevés !
Un avenir favorable aux métropoles
Dans les dix ans à venir, la métropolisation va se poursuivre. Les Nations unies prévoient que la population urbaine représentera près de 83 % de la population française en 2030 alors qu’elle n’en représentait que 76 % en 2000 et 80 % aujourd’hui.
En revanche il y aura fragilisation accrue des villes moyennes et des zones rurales.
La baisse de la population dans les territoires les plus éloignés des villes risque d’accroître certaines difficultés, notamment dans l’accès aux services d’intérêt général. Les temps d’accès aux services d’usage courant diffèrent aujourd’hui principalement selon la densité de population locale et sont réduits dans les grandes agglomérations et plus longs dans les zones rurales. l’accès aux services de santé est également dépendant de la densité locale.
Dans les dix ans à venir, ces difficultés risquent de s’accroître du fait du vieillissement de la population dans certains territoires, notamment ruraux. En même temps, elles concerneront une population plus restreinte. Diverses actions sur lesquelles les pouvoirs publics se sont engagés pourraient améliorer la situation : optimisation de la localisation des services d’intérêt général, mutualisation des accès, développement des technologies numériques au service d’une nouvelle accessibilité.
Le changement climatique
Un facteur nouveau : les territoires devront contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. c’est l’objet notamment des Plans climat air énergie territoriaux.
Ces plans PCAET devront prendre en compte les diverses natures des zones considérées, leurs potentiels de contribution à la réduction de l’empreinte carbone, les impacts du changement climatiques associés à ces zones ainsi que leurs conséquences sur les différents secteurs d’activité locaux (tourisme , production agricole, etc.).
Il faudra notamment adapter les territoires à la problématique de l’eau que ce soit dans la prévention des conséquences de la montée du niveau de la mer, de l’acidification des océans ou d’épisodes pluvieux importants ou dans l’évolution des cultures agricoles en se tournant par exemple vers des plantes moins consommatrices d’eau ou plus résilientes à une sécheresse prolongée dans les régions qui souffriront le plus de sécheresses.
Faire du numérique un facteur de rapprochement entre les territoires ?
Dans le domaine de l’accès et de l’utilisation des nouvelles technologies : numérique en particulier :, les inégalités entre les catégories d’individus et les territoires restent difficiles à compenser. Le numérique a un rôle important à jouer dans l’objectif de réduction des inégalités entre les territoires, que ce soit à travers le désenclavement des zones peu denses ou le désengorgement des métropoles : grâce par exemple au développement du télétravail, de la télémédecine ou à son apport dans le transport à la demande :, ou à travers le développement économique que ces technologies peuvent générer.
Les questions qui se posent
1) Faut-il concentrer l’investissement public dans les zones les plus productives ?
Une telle politique augmenterait la compétitivité de l’économie française et assurerait des recettes fiscales supplémentaires, qui bénéficieraient in fine aux territoires défavorisés par le système de protection sociale notamment.
Une solution de compromis pourrait consister à concentrer l’investissement sur les métropoles, mais aussi à soutenir les territoires risquant le plus de décrocher définitivement, tout en investissant moins dans les territoires intermédiaires.
2) Quelle offre de service public garantir sur l’ensemble du territoire ?
Certains territoires sont enclavés ou ont peu accès aux services publics (santé, culture) du fait de leur faible densité, notamment les zones rurales ou périurbaines. Aujourd’hui aucune règle ne détermine avec précision quel est le panier de services publics garanti sur tout le territoire. Doit-on fixer un panier de services minimaux garanti par l’État sur tout le territoire ? Au-delà de ce panier, peut-on imaginer une forme de subsidiarité permettant à certains territoires d’accroître l’offre de service à condition qu’ils en assument la responsabilité fiscale vis-à -vis des habitants concernés ?
3) Faut-il promouvoir l’égalité des chances des individus sur le territoire ?
Un certain nombre de politiques visent aujourd’hui à donner plus de ressources aux individus des territoires défavorisés. Or, jusqu’ici cette intention n’a pas abouti à une augmentation significative des moyens. Faut-il se fixer un objectif d’égalité des chances des individus entre territoires, sachant que cela implique de fortes réallocations de ressources des territoires favorisés vers les territoires défavorisés ? Par exemple, réallouer les dépenses d’éducation en fonction inverse des performances scolaires locales ?
Faut-il au contraire conserver une approche fondée sur une notion d’égalité de service ? Et, dans ce cas, favoriser la mobilité géographique des individus vers les zones favorisées sur le plan de la réussite éducative ou du niveau de santé ?
4) De nouveaux services publics ?
Si l’analyse qui précède est juste, les concentrations des activités et des ressources devront s’accentuer au cours de la décennie à venir. Cela pose la question des investissements qu’il faudra mobiliser pour atteindre les objectifs publics.
Les services de transport devront s’adapter au phénomène de métropolisation et à l’étalement urbain pour réduire la congestion. A ce titre, différentes questions peuvent se poser : les transports à la demande ou l’incitation au covoiturage peuvent-ils se substituer à la construction de lignes de transport coûteuses et peu utilisées (voies ferrées notamment) et sont-ils cohérents avec les objectifs environnementaux ?
Les services à distance : les problèmes de congestion et d’éloignement d’une partie de la population peuvent aussi conduire à développer l’accès à certains services à distance ou à créer de nouveaux instruments pour maintenir un niveau de service minimal. Quel développement de la e-santé et de l’e-éducation est-il possible ?
Les services de santé peuvent-ils passer par de nouvelles expérimentations de contractualisation avec les professions de santé (engagement à s’installer dans un territoire contre financement des études) ?
Quels services publics peuvent être dématérialisés ? Le développement de l’usage du numérique implique un accompagnement des personnes maîtrisant peu les nouvelles technologies. Cet accompagnement doit-il être renforcé dans les territoires enclavés ?
5) Lever les freins à la mobilité géographique ?
Dans la mesure où certaines inégalités territoriales seront toujours difficiles à réduire, ne faut-il pas plutôt se tourner vers des instruments visant à lever les freins à la mobilité des individus ?
Faut-il favoriser le télétravail ?
Les mobilités géographiques sont coûteuses et peuvent avoir des effets défavorables (perte de réseau, isolement). Les mobilités, étudiantes notamment, peuvent-elles être mieux accompagnées (construction de résidences inclusives, bourses prenant mieux en compte les coûts liés à l’éloignement du domicile familial) ?
6) Aller vers une plus grande autonomie fiscale des collectivités locales ?
Actuellement, les dotations globales de fonctionnement attribuées par l’État aux collectivités locales représentent environ 20 % des recettes de fonctionnement des départements et des communes, ou groupements de communes, et environ 25 % des recettes des régions.
Si l’on souhaite donner plus d’autonomie aux régions et aux groupements communaux, la question d’une marge de manœuvre plus importante sur la fiscalité doit être posée à ces échelons. A l’inverse, une régulation de la concurrence fiscale pourrait servir d’instrument de correction des inégalités territoriales.
Auteurs de l’étude :
Clément Dherbecourt : Boris Le Hir
Transition énergétique
Après avoir démontré en 2015 qu’un mix électrique « 100% renouvelable » en 2050 était possible pour un coût comparable à celui d’un mix conservant 50% de nucléaire, l’ademe (Agence Maîtrise Energie)
a cette fois évalué les impacts macro-économiques d’un tel scénario dans une étude publiée le 30 juin. Il apparaît qu’un déploiement massif des énergies renouvelables dans l’Hexagone aurait un impact positif sur la croissance, l’emploi, mais aussi le pouvoir d’achat des ménages.
Elle prévoit un effet positif sur l’emploi et la croissance, tout en augmentant le revenu disponible des ménages. Ainsi, la transition vers un système énergétique décarboné pourrait conduire à une augmentation du PIB de 1% en 2030 et comprise entre 3,6 et 3,9% à l’horizon 2050. Les secteurs qui bénéficieraient le plus d’un développement massif des énergies renouvelables sont ceux des services, de la construction et du transport.
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