Ecrit le 31 août 2005 :
Source : http://www.courdecassation.fr rapport de M. Richard de la Tour10.htm
Le salarié offre sa force de travail pas sa personne
LA VIE PERSONNELLE DU SALARIÉ
par M. Jean RICHARD de la TOUR, Conseiller référendaire
à la Cour de cassation
Lorsqu’il est titulaire d’un contrat de travail, le salarié demeure une grande partie de son temps à son travail. Durant cette période, il se trouve sous la subordination de son employeur et est tenu d’exécuter sa tâche sous le contrôle et l’autorité de celui-ci. C’est la définition même du contrat de travail.
Cependant le salarié met à la disposition de l’employeur sa force de travail mais non sa personne. Il faut en déduire que lorsqu’il n’est pas au travail, le salarié s’occupe à des activités diverses et personnelles : sportives, culturelles, associatives, syndicales... voire délinquantes !
Il se peut même qu’il ne fasse rien du tout. Il est aisé de concevoir que durant cette période, l’employeur n’a pas à se préoccuper du comportement de son salarié.
De même, au temps et au lieu du travail, le salarié conserve des libertés sur lesquelles l’employeur ne peut empiéter et qui restreignent donc ses pouvoirs.
Mais le contentieux prud’homal montre que dans bien des cas, l’employeur reproche à son salarié des actes commis hors du temps et du lieu de travail. ll impose des contraintes dans le travail qui atteignent les salariés dans leurs libertés individuelles ou exige de ses salariés un comportement d’identification ou de fidélité à l’entreprise qui peut paraître excessif.
Aussi, depuis une vingtaine d’années, le législateur et la jurisprudence sont-ils intervenus pour marquer la frontière entre le travail et ce que la chambre sociale de la Cour de cassation appelle « la vie personnelle du salarié ».
Vie personnelle
Le concept de « vie personnelle » a été dégagé à partir de 1994. Auparavant, la Cour de cassation se référait à la notion de vie privée. Cette notion ne recouvrant pas toutes les situations, il lui a été préféré le concept de « vie personnelle ». Celle- ci recouvre trois aspects :
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Quatre textes à connaître
Le législateur est intervenu dans le cadre du travail par quatre textes essentiels.
Tout d’abord, par la loi du 4 août 1982, il a institué l’article L 122-35 du Code du travail qui précise que le règlement intérieur de l’entreprise « ne peut apporter aux droits des personnes et des libertés individuelles et collectives, des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché... et ne peut comporter des dispositions lésant les salariés dans leur emploi ou leur travail en raison de leur sexe, de leurs moeurs, de leur situation de famille, de leurs origines, de leurs opinions ou confessions ou de leur handicap, à capacité professionnelle égale. »
La même loi a également institué l’article L 122-45 qui a été très enrichi depuis et qui précise « ... qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de ses origines, de son sexe, de ses moeurs, de sa situation de famille, de son appartenance à une ethnie, à une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail... en raison de son état de santé ou de son handicap » (ce dernier membre de
phrase ayant été rajouté à la suite de
l’épidémie de SIDA).
Enfin, la loi du 31 décembre 1992 a ajouté au Code du travail un article L 120-2 aux termes duquel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
En corollaire à ce texte, l’article L 422-1-1 prévoit que le délégué du personnel puisse saisir l’employeur, ou le juge des référés, s’il constate qu’il existe dans l’entreprise une atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnelle au but recherché.
Les conceptions de la chambre sociale de la Cour de cassation ont évolué au cours des années sur la question de la vie personnelle du salarié. Aussi, cette étude sera-t-elle limitée à la jurisprudence actuelle qui s’est construite depuis une dizaine d’années environ.
Perte de confiance ?
Pendant longtemps en effet, la jurisprudence a admis que l’employeur pouvait rompre le contrat pour perte de confiance envers le salarié.
Cependant, dans un arrêt du 29 novembre 1990, la chambre sociale a décidé « qu’un licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs et que la perte de confiance alléguée par l’employeur ne constitue pas, en soi, un motif de licenciement ».
A partir du moment où elle exigeait que le licenciement repose sur des faits objectifs, la jurisprudence allait être amenée à distinguer entre les faits qui sont totalement indépendants du contrat de travail et ceux qui ont des répercussions sur celui-ci.
La jurisprudence de la Cour de cassation a donc tenté de poser les bornes entre la vie personnelle du salarié et son travail et à arbitrer les conflits entre cette vie personnelle et le pouvoir de l’employeur pendant le travail
1) La vie personnelle du salarié dans le cadre extra-professionnel
La Cour de cassation a posé un principe : |
Mais elle a reconnu l’existence d’inter-actions entre les deux .
Le principe d’indépendance
entre vie au travail et vie hors du travail
dés que l’ouvrier quitte son usine ou l’employé son bureau, il doit pouvoir jouir d’une liberté qui ne connaît d’autres contraintes que les règles de la vie en société et le respect des lois et règlements.
L’employeur ne peut donc lui reprocher des agissements ou un comportement aussi scandaleux ou condamnable soient-ils.
Ce raisonnement a été étendu non seulement aux périodes de week-end ou de congés mais aussi aux périodes de suspension du contrat de travail (notamment pour maladie).
a) Les agissements du salarié relevant de sa vie personnelle
Ainsi, la Cour a jugé qu’un concierge qui était en arrêt-maladie et qui s’était querellé avec un locataire pour des problèmes de voisinage ne pouvait pas être licencié pour cela.
De même, elle a jugé que le licenciement pour faute grave d’un clerc de notaire dont l’employeur avait appris par la presse qu’il avait été condamné pénalement pour aide au séjour irrégulier d’un étranger, n’avait pas de cause réelle et sérieuse car le fait imputé au salarié relevait de sa vie personnelle
Cependant il n’est pas toujours aisé de distinguer entre vie personnelle et vie professionnelle.
Dans le cas d’un salarié licencié pour avoir participé à une rixe sur les lieux de travail mais en dehors du temps de travail, la chambre sociale a décidé que ce comportement relevait de la vie professionnelle du salarié.
Au contraire, s’agissant d’un salarié
dont l’employeur était aussi le banquier
et qui n’avait pas respecté l’engagement
qu’il avait pris
de ne plus souscrire de prêts,
la Cour de cassation a jugé que cet aspect des relations entre les parties relevait de la vie personnelle du salarié et ne pouvait donc constituer une faute
b) Les agissements du salarié ne constituant pas une violation des obligations du contrat de travail
Pour bénéficier de la protection apportée par la notion de « vie personnelle », il faut que le comportement ou l’attitude du salarié ne constitue pas une violation des obligations résultant de son contrat de travail.
Un employeur avait licencié une salariée en lui reprochant d’avoir, durant son absence pour maladie, coupé toute possibilité de contact avec ses collègues.
La chambre sociale approuve la cour d’appel d’avoir décidé que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse car la salariée qui était dispensée de fournir sa prestation de travail, n’était pas tenue de poursuivre une collaboration avec l’employeur
2) L’influence de la vie personnelle sur le contrat de travail
Le comportement du salarié dans sa vie personnelle ne peut donc, ainsi qu’il vient d’être vu, être retenu normalement contre lui.
La jurisprudence admet cependant
– d’une part, que les agissements ne doivent pas apporter de trouble caractérisé à l’entreprise
– et d’autre part que, même lorsque son contrat de travail est suspendu, le salarié n’est pas totalement libéré de ses obligations envers son employeur.
Il est traditionnellement admis que l’obligation qui persiste est l’obligation de loyauté. La Cour de cassation admet donc que les agissements du salarié relevant de sa vie personnelle peuvent constituer une faute, cause réelle et sérieuse de licenciement si le salarié a violé son obligation de loyauté envers l’employeur.
a) L’obligation de loyauté
La loyauté que doit le salarié à son employeur n’est qu’une application de l’article 1134 alinéa 3 du Code civil qui précise que les conventions doivent être exécutées de bonne foi.
La Chambre sociale rappelle que ce principe s’applique entre l’employeur et le salarié (et que par exemple l’employeur ne doit pas user de provocations pour amener le salarié à la faute).
L’obligation de loyauté persiste jusqu’à la rupture du contrat de travail voire au-delà (concurrence déloyale, confidentialité ou abus de la liberté d’expression) (
L’obligation de loyauté est invoquée par la Cour de cassation lorsqu’elle est violée. Ainsi, un salarié en congé de maladie qui travaille pour son compte sur le chantier d’une maison en construction, avec trois ouvriers sous ses ordres a un comportement déloyal qui justifie son licenciement
Parallèlement à l’obligation de loyauté, la Cour de cassation rappelle aussi parfois que le salarié peut être tenu à un certain devoir de réserve.
Cependant, l’adhésion du salarié à la politique commerciale de l’entreprise reste limitée. La chambre sociale n’a pas admis qu’une employée d’un concessionnaire Renault puisse être licenciée pour avoir acheté un véhicule Peugeot
b) Le trouble caractérisé
apporté à l’entreprise
Pour qu’un fait relevant de la vie personnelle du salarié puisse lui être reproché par l’employeur, la chambre sociale de la Cour de cassation exige que ce fait objectif ait créé un trouble caractérisé à l’entreprise compte tenu de la nature des fonctions et de la finalité de l’entreprise.
C’est par l’arrêt Painsecq du 17 avril 1991 que ce principe a été posé. Il s’agissait d’un aide sacristain de la paroisse Saint Nicolas du Chardonnet qui avait été licencié en raison de ses moeurs contraires aux principes de l’Eglise catholique. La cour d’appel avait admis le bien fondé de ce licenciement en rappelant que l’homosexualité est condamnée par l’Eglise catholique et que la méconnaissance par le salarié de ses obligations existait indépendamment du scandale que son comportement pouvait provoquer, peu importe si le fait était connu ou non des fidèles.
La chambre sociale a censuré cet arrêt.
Elle pose en premier lieu le principe que l’employeur ne peut congédier un salarié pour le seul motif tiré de ses moeurs.
Elle rappelle ensuite que le licenciement du salarié pour un motif tiré de son comportement ne peut être prononcé que si celui-ci, « compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière ».
Par l’arrêt du 17 avril 1991, la chambre sociale pose donc les limites à la liberté de moeurs ou de religion. Si la manifestation de cette liberté cause, en raison des fonctions du salarié, un trouble caractérisé à l’entreprise, le licenciement est possible. La chambre sociale rappelle cependant que les faits doivent être objectifs
Il sera fait une application de la jurisprudence Painsecq pour admettre le bien fondé du licenciement d’un salarié d’une entreprise de gardiennage qui avait commis un vol, en dehors de son travail, au préjudice d’une société cliente de son employeur. La chambre sociale a retenu que ce comportement a entraîné un retentissement sur le crédit et la réputation de cette dernière
L’existence du trouble caractérisé a été admise dans le cas d’un cadre qui avait volontairement frappé sa compagne, elle-même salariée, à proximité immédiate de l’usine où il travaillait, l’incident ayant donné lieu à des réactions du personnel
Mais le licenciement d’un cadre d’une banque qui avait émis des chèques sans provision en tant que président d’une station de radio locale n’est pas justifié, dès lors qu’aucun trouble objectif caractérisé à l’entreprise n’a été relevé
In concreto
Lorsqu’elle se réfère à la notion de trouble objectif caractérisé à l’entreprise, la Cour de cassation demande aux juges de faire une appréciation in concreto de la situation :
– La nature de la tâche,
– les fonctions du salarié,
– la taille de l’entreprise,
– son secteur, sa notoriété
sont autant d’éléments que le juge doit prendre en compte pour se prononcer sur l’existence du trouble caractérisé. Si ce trouble n’existe pas, le fait imputé au salarié ne peut constituer une cause de licenciement.
Le fondement du licenciement se trouve donc déplacé de la relation individuelle salarié-employeur vers une relation plus collective salarié-entreprise. Ce qui est sanctionné en l’espèce, ce n’est pas la mauvaise exécution du contrat de travail mais la violation par le salarié de l’image de l’entreprise.
Globalement on peut penser que le trouble caractérisé constituerait une cause objective de licenciement mais ne constituerait pas une faute.
Hors du travail, la vie personnelle du salarié est bien protégée.
3) La vie personnelle du salarié dans le cadre professionnel
Cependant, lorsqu’il est au temps et sur les lieux du travail, le salarié demeure titulaire de droits, de libertés et d’une vie personnelle qu’il convient de protéger.
L’employeur est tenté parfois d’imposer des contraintes qui portent une atteinte anormale aux droits du salarié.
De son côté, le salarié peut dans certains cas tenter d’imposer à l’employeur la reconnaissance de droits individuels étrangers à la relation de travail.
Il importe donc pour la jurisprudence de fixer les limites du comportement de chacun
a). La vie personnelle du salarié dans le travail
Lorsqu’il est sous les ordres de l’employeur, le salarié conserve des droits et des libertés qui relèvent de sa vie personnelle et auxquels l’employeur ne peut porter atteinte.
Cependant, si cette protection est assez large dans la plupart des entreprises , elle se trouve restreinte dans le cas des entreprises « de tendance »
La vie personnelle du salarié et l’entreprise « ordinaire »
Le salarié dans son travail bénéficie tout d’abord de la protection accordée par la loi.
Ainsi, au visa de l’article L 122-35, la chambre sociale a jugé illicite une note de service imposant au personnel d’un hôtel de ne pas utiliser des emplacements de stationnement situés sur le domaine public et que la direction voulait réserver à la clientèle.
De même, l’obligation de porter une blouse est une atteinte à une liberté individuelle que l’employeur doit justifier par la nature de la tâche à accomplir et doit être proportionnée au but recherché. A défaut, le refus du port de la blouse n’est pas fautif .
L’absence de textes spécifiques n’a pas empêché la Cour de cassation de sanctionner les atteintes aux libertés individuelles dans l’entreprise. Ainsi, la Cour de cassation a limité les pouvoirs de l’employeur de procéder à la surveillance et au contrôle des salariés à leur insu en considérant comme illégale cette manière de se constituer des preuves
Il faut mentionner enfin, le problème des convictions religieuses des salariés. Ces derniers peuvent-ils, dans une entreprise « ordinaire », exiger de leur employeur le respect de leurs convictions religieuses ? Deux arrêts de la Chambre sociale fournissent une réponse négative de principe.
Pour la Cour de cassation, le fait religieux n’est pas normalement dans le contrat de travail. Cependant, rien n’interdit aux parties de l’y inclure. C’est généralement le cas dans les entreprises « de tendance ».
Le cas des entreprises
« de tendance »
Les entreprises dites « de tendance » sont celles dans lesquelles « une idéologie, une morale, une philosophie ou une politique est expressément prônée. Autrement dit, l’objet essentiel de l’activité de ces entreprises est la défense et la promotion d’une doctrine ou d’une éthique »
Dans de telles entreprise (paroisses, enseignement religieux, associations), il est admis que la liberté du salarié est moins grande que dans une entreprise « ordinaire ». Le salarié ne peut, même à l’extérieur, prôner une philosophie, avoir un comportement, des moeurs ou une vie familiale en contradiction flagrante avec l’objet de son entreprise.
La jurisprudence de la Cour de cassation a évolué sur ce point.
– La première affaire significative est l’affaire Roy dans laquelle une enseignante d’un établissement scolaire de confession catholique lié à l’Etat par un contrat simple, avait été licenciée en raison de son remariage après divorce.
– Dans un premier arrêt, une chambre mixte de la Cour de cassation avait considéré « qu’il ne pouvait être porté atteinte à la liberté du mariage par un employeur que dans des cas très exceptionnels où la nécessité des fonctions l’exige impérieusement »
– Dans un second arrêt, l’Assemblée plénière rend une décision contraire dans laquelle elle estime que les convictions religieuses de la salariée avaient été prises en considération et que cet élément de l’accord « qui reste habituellement en dehors des rapports de travail, avait été incorporé volontairement dans le contrat dont il était devenu partie essentielle et déterminante ».
La Cour de cassation reconnaissait donc d’une part, que les convictions religieuses pouvaient être sous-entendues dans un contrat de travail et, d’autre part, que le salarié devait avoir une vie personnelle conforme à ces convictions.
Dans le cas des entreprises « de tendance », la Cour de cassation s’est référée plusieurs fois à la notion de clause implicite ou explicite du contrat. Dès lors, n’est-il pas tentant pour l’employeur de contractualiser l’atteinte à certaines libertés ?
b) La restriction contractuelle de la vie personnelle du salarié
La tentation est grande pour l’employeur d’inclure des clauses dans les contrats de travail permettant de faire accepter d’avance au salarié un certain nombre d’obligations ne relevant pas habituellement du contrat de travail.
– Le salarié peut ainsi s’engager à accepter toute mutation géographique que l’employeur lui demanderait (clause de mobilité) ;
– ï€ Il peut s’engager à ne pas travailler dans une entreprise concurrente après son départ (clause de non concurrence) ;
– ï€ Il peut même s’engager à respecter « dans sa vie privée, la doctrine et la morale de l’Eglise catholique, notamment en ce qui concerne le caractère indissoluble du mariage » .
L’article L 120-2 du Code du travail a posé des limites à ces clauses qui ne peuvent « apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Par ailleurs la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et la constitution dans son préambule contiennent de telles limitations aux atteintes portées aux libertés individuelles.
La chambre sociale de la Cour de cassation a exercé son contrôle en censurant des clauses tout d’abord parce qu’elles étaient étrangères au contrat de travail.
Non concurrence
En ce qui concerne les clauses de non concurrence, la chambre sociale de la Cour de cassation, a d’abord appliqué le principe de proportionnalité.
Puis, elle a jugé que ces clauses portaient atteinte à des libertés publiques.
Elle a jugé que ces clauses insérées dans un contrat de travail ayant pour effet d’apporter une restriction au principe de la liberté du commerce et de l’industrie et à la liberté du travail garantie par la Constitution ne sont licites que dans la mesure où la restriction de liberté qu’elles entraînent est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise
(un salarié castelbriantais a gagné en cassation pour une clause de non-concurrence abusive : relire La Mée du 9 janvier 2002)
Mobilité
En ce qui concerne les clauses de mobilité, celles-ci sont en général admises et pourtant elles mettent en cause, tout au moins indirectement, la liberté du choix du domicile ou la liberté d’aller et venir.
La Cour de cassation, à propos d’une clause qui obligeait le salarié à transférer son domicile a considéré « qu’une restriction, par l’employeur, à la liberté du choix du domicile, n’est valable qu’Ã la condition d’être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et proportionnée, compte tenu de l’emploi occupé et du travail demandé, au but recherché » .
Cette décision est d’autant plus intéressante qu’elle est rendue au visa de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme qui précise que chaque personne a droit au respect de son domicile.
L’article L 120-2 permettra dorénavant d’exercer un contrôle de proportionnalité sur les clauses restrictives de liberté. La chambre sociale avait déjà posé les règles de proportionnalité et sa jurisprudence ne pourra que s’en trouver renforcée.
Proportionnalité
Au terme de cette étude, il apparaît que le principal critère dégagé par la Chambre sociale dans la protection de la vie personnelle est le principe de proportionnalité.
Elle précise en effet,
– d’une part, que le fait relevant de la vie personnelle ne peut être reproché au salarié que s’il a causé un trouble dans l’entreprise, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise
– et d’autre part, que les atteintes portées aux libertés individuelles ne sont justifiées que si elles sont proportionnées au but recherché et justifiées par la nature de la tâche à accomplir.
Ce principe de proportionnalité a le mérite d’apporter une grande souplesse dans les relations sociales et laisse le champ libre aux juges du fond pour appréhender les situations.
Ainsi, le contrat de travail peut être adapté, notamment dans les entreprises de « tendance », aux besoins de celle-ci, l’employeur devant justifier les empiétements qu’il commet dans la vie personnelle des salariés.
Extraits d’une étude de Jean RICHARD de la TOUR, Conseiller référendaire à la Cour de cassation
Source : http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_publications_documentation_2/publications_cour_26/em_rapport_annuel_em_36/rapport_1999_91/etudes_documents_93/jean_richard_5796.html
Voir aussi : www.vie-privee.org/news302