Ecrit en avril 2000
Paritarisme et divergences
« Nous avons un projet et c’est avec nos amis syndicaux que nous allons le négocier » : On appréciera la façon dont Denis Kessler, représentant du MEDEF (patronat français) parle de ses « amis syndicaux », alors que tout annonce, au contraire, un affrontement dans les semaines à venir, sur la place de la loi et de la négociation collective dans l’entreprise.
Cela s’est passé le jeudi 30 mars 2000 lors d’une rencontre patrons-syndicats-députés à l’Assemblée Nationale. Le MEDEF y a dit clairement : le système actuel, qui donne prééminence à la loi, a vieilli, il faut privilégier la négociation collective, « privilégier le dialogue entre partenaires sociaux sous forme de contrat, il faut que ce dialogue se fasse au plus près des problèmes, au niveau de l’établissement ou de l’entreprise »
... et divergences
Le dialogue, quelle belle chose. Sur le papier. Car dans la réalité le déséquilibre des forces fait que la balance penche presque toujours du côté des décisions patronales.
Les représentants syndicaux ne s’y sont pas trompés. Jean-Luc Cazettes de la CGC s’est indigné : « Si l’on suit cette logique, c’est le contrat individuel qui finira par primer ». « LÃ où c’est l’entreprise qui prime, comme au Royaume-Uni, c’est le plus de flexibilité qui l’emporte », a ajouté Maryse Dumas, de la CGT.
En fait, sous couleur de « refondation sociale », le MEDEF cherche à obtenir encore plus de flexibilité. Pour cela, il propose notamment de nouveaux contrats de travail, intermédiaires entre le CDD et le CDI
Dans un document de 5 pages, remis aux délégués syndicaux, le MEDEF propose des CDM, contrats à durée maximum, des sortes de contrats à durée indéterminée... dont la durée serait limitée puisqu’ils ne pourraient pas excéder cinq ans et qui seraient négociés au niveau de l’entreprise.
Du Code du travail, libérez-nous, seigneur !
En fait, comme dit Jean-Claude Quentin de Force Ouvrière, « ce serait la fin des conventions collectives et du code du travail », une dérégulation générale coinçant les individus sous le poids de l’entreprise, sans leur laisser la protection du Code du Travail. Le patronat ne s’en cache pas puisqu’il prône l’inversion des « hiérarchies des normes sociales » : il souhaite que la convention d’entreprise prime celle de la branche. Ce qui veut dire qu’il souhaite des accords « à la base » . Quand on sait que plus d’une entreprise sur deux n’a pas de délégué syndical, on se doute qu’il n’y aura guère de réelle discussion !
Vive le contrat .. pourvu que ...
Vive le contrat, pourvu qu’il ne soit pas collectif. Le MEDEF, dans tous les domaines, prône l’individualisation à tout va.
En matière de chômage, il propose de moduler l’allocation de chômage en fonction du comportement du chômeur face à la recherche d’emploi. Par exemple, des offres d’emploi ou de formation seraient proposées au demandeur d’emploi. S’il refuse « sans raisons valables, cela aurait des conséquences sur son indemnisation » dit le MEDEF. Est-il bien raisonnable de pénaliser les chômeurs indemnisés alors que 45 % d’entre eux perçoivent moins de 4000 F par mois ? Et qui décide qu’une raison est ’’valable’’ ou non ?
De même, en matière de retraites, le MEDEF propose de moduler les pensions selon le principe de la « neutralité actuarielle », c’est-Ã -dire que la durée de cotisation, pour obtenir une retraite à taux plein, devrait être calculée en fonction de l’espérance moyenne de vie : 41 ans, 42 ou 43 ans. « Nous préparons un système pour les années où le problème de l’emploi des salariés plus âgés ne se posera plus » dit le MEDEF qui envisage sérieusement le plein emploi pour les années à venir .
Avec ce système, le MEDEF espère pousser les « fonds de pension » : en effet, le salarié qui voudra prendre sa retraite à 60 ans aura intérêt à épargner.
Solidarité
Du côté des retraites complémentaires, il existe deux grands organismes : l’ARRCO (ouvriers) et l’AGIRC (cadres). Au moment où ces caisses de retraite ont été créées, il n’était pas question de mélanger les torchons et les serviettes, les ouvriers et les cadres. Comme pour la sécurité Sociale où il n’était pas question de mélanger les salariés et les professions libérales. Mais voilà que la situation de l’AGIRC se dégrade et que la caisse serait déficitaire de 100 milliards de francs en 2010 et de 200 milliards en 2015, tandis que l’ARRCO serait encore bénéficiaire .
Le MEDEF, qui n’est pas à court d’idées, propose d’unifier l’AGIRC et l’ARRCO, au nom de la solidarité sans doute. Les syndicats sont réticents, ils demandent d’assainir au préalable les finances de l’AGIRC .... « sinon les ouvriers financeraient les retraites complémentaires des cadres » disent-ils .
Pourquoi ?
Cette « refondation sociale » à la sauce MEDEF a un goût prononcé de « régression sociale ». On peut se demander si elle bien d’actualité alors que la croissance économique semble bien installée, que la courbe du chômage s’infléchit chaque mois un peu plus, et que les comptes sociaux sortent du rouge. Le patronat fait valoir que cette bonne santé économique peut justement permettre de négocier à froid. Et en même temps il fait monter la pression en fixant un ultimatum au 31 décembre 2000 si la refondation sociale n’a pas avancé assez à son goût.
Du temps, c’était hier, de la très mauvaise situation économique, le patronat voulait, aussi, remettre en cause tous les avantages acquis. C’est donc un leit-motiv chez lui, qu’il fasse soleil ou pluie. On peut espérer cependant que la mobilisation des salariés sera plus forte en période d’expansion qu’en période de régression.
Ah, à propos, le patron du MEDEF, Ernest-Antoine Seillière, dit « nénesse » peut-il comprendre quelque chose aux questions sociales, quand il gagne autant, à lui tout seul, que 222 salariés au SMIC ?
De nos « amis » les patrons, protégez-nous, seigneur.
Comment faire des « bulles » à la Bourse ?
réponse :
Selon le Canard Enchaîné du 12 avril 2000, un journal américain a expliqué « la bulle » (financière) à ses lecteurs, en leu disant ceci : « Dans les années 20, il y avait 100 fabricants de voitures aux Etats-Unis. A la fin des années 50, il n’en restait plus que trois. Si vous aviez acheté du General Motors, Ford ou Chrysler en 1929, alors que leurs actions étaient très abordables, vous seriez devenu très riche dans les années 50. Mais si vous aviez acheté des actions de n’importe laquelle des 97 autres compagnies automobiles, vous auriez perdu tout votre argent étant donné qu’elles ont fait faillite ». (lu dans Usa Today, du 5 avril 2000).
C’est de la franchise ou du cynisme ? Trois chances sur cent de faire fortune ? A méditer au moment où on nous parle tant de « fonds de pension » pour payer nos futures retraites.