Ecrit le 19 novembre 2003 :
La détresse sociale qu’on vous cache
Toutes les informations qui tombent, à propos des suppressions d’emplois partout en France montrent l’ampleur des dégâts causés à l’économie mondiale, et qui vont continuer à s’aggraver dans la mesure où le Fonds Monétaire international appelle de ses voeux la remise en question de « L’Etat-Providence ». Voici à ce sujet ce qu’écrit Jacques NIKONOFF, président d’ATTAC.
Au temps de l’inflation
Dans le passé, « le mode de régulation par l’inflation, grâce à l’échelle mobile des salaires et des prix, était favorable au monde du travail (les classes populaires sont devenues propriétaires de leur logement par la dévalorisation des créances) et défavorable aux rentiers dont les actifs financiers n’offraient qu’un rendement médiocre. Il était également favorable aux entrepreneurs, dont les profits étaient certes limités, mais qui disposaient de larges débouchés offerts par le haut niveau du pouvoir d’achat. La dette, quant à elle, permettait d’importants investissements publics, assurant une croissance soutenue et le plein-emploi »
Mais, selon le FMI, fonds monétaire international, la capacité des entrepreneurs à créer de nouveaux produits et de nouveaux services doit être désormais le moteur de la croissance (une « économie de l’offre »).
Le pouvoir d’achat des consommateurs ne doit plus être distribué « avant », mais « après », en fonction du résultat de l’entreprise.
De surcroît, la « révolution informationnelle » doit permettre, grâce à Internet, de savoir à quel prix on peut acheter un paquet de « cent vis à têtes carrées en laiton », et se les faire livrer en n’importe quel point du globe. Il faudrait donc s’habituer à l’idée que, tôt ou tard, le prix d’un vêtement de coton de base, par exemple, deviendra identique, qu’il soit fabriqué en France ou au Bangladesh. Si le producteur français n’y parvient pas, « il sera tout bonnement condamné à disparaître ».
Réduire les dépenses sociales
Cette transformation radicale du monde devrait, pour le FMI, s’accompagner de la disparition de l’Etat-Providence, tout simplement parce que « les systèmes collectifs vont être également mis en concurrence ».
Les pays ne parvenant pas à réduire leurs dépenses sociales auront alors à résoudre un problème majeur :
– d’un côté, les actifs - hommes et capitaux - qui vont se délocaliser ;
– de l’autre, les passifs, « ceux qui participent à la dépense sans créer de richesse », qui vont rester.
La généralisation de cette théorie a conduit aux résultats brillants que nous connaissons : une croissance économique mondiale divisée par deux depuis l’application des préceptes néolibéraux.
* un milliard de chômeurs dans le monde et la moitié du salariat précarisé ;
* une crise de confiance inégalée dans l’histoire du capitalisme, déclenchée à partir de l’affaire Enron ;
* l’explosion en vol de la « nouvelle économie » pourtant présentée comme l’avenir de la mondialisation ;
* l’écroulement des Bourses, qui devaient assurer un financement continu des entreprises et des retraites par le biais des fonds de pension ;
* les exigences déraisonnables des investisseurs institutionnels d’un rendement à deux chiffres, qui empêchent les entreprises de construire leurs stratégies industrielles dans la durée.
L’illusion que « la valeur » venait de la Bourse et non du travail, a fait des ravages.
J. Nikonoff